L'« art contemporain », parallèlement à son institutionnalisation et à son entrée fracassante dans les circuits académiques, suscite de nombreuses controverses entre les différents « spécialistes » (historiens d'art, critiques d'art, conservateurs de musées, marchands d'art, sociologues…). Ce phénomène (de société), qui est loin d'être exclusif à notre époque, se situe au coeur de la réflexion de Raymonde Moulin dans son ouvrage L'artiste, l'institution et le marché. Dans un monde sans cesse redéfini par ses mutations rapides, qualifié de bouleversé (et bouleversant), il importait à cette sociologue (historienne de formation), de se pencher sur la production artistique, sphère de prédilection desdites mutations. En abordant successivement, les différentes modalités de construction des valeurs esthétiques, les mécanismes du marché de l'art, les paramètres de définition d'un groupe social des artistes, Raymonde Moulin se propose de redéfinir, ou du moin d'éclaircir, ce que nous pouvons appeler, de manière générale (donc imprécise et arbitraire), le « monde de l'art ». Ainsi, pour anticiper sur la suite, il semble important de se demander si Raymonde Moulin ne propose pas plutôt une (re)définition de l'Art, à travers le prisme de(s) (la) réalité(s) culturelle(s) contemporaine(s) (« culturel » entendu aussi bien « dans son acceptation retreinte» qu'au sens « large » [Ory, 2004]) ?
En effet, l'objectif de Raymonde Moulin est de peindre le paysage nébuleux de ce « monde de l'art », dans un souci de description et d'éclaircissement.
Sans s'aventurer elle-même dans des considérations d'ordre esthétique ou philosophique sur la notion d'Art, elle propose à son lecteur un large panel d'informations, d'outils, au service de la compréhension d'une vaste et complexe machine qui est celle de l'art, de l'instant de la production (création) à celui de la vente, en passant par l'exposition, ou encore la critique. Les différents rouages sont mis en évidence, explicités dans leurs fonctionnements internes respectifs, comme dans leurs interactions mutuelles.
[...] Quoi qu'il en soit, Raymonde Moulin met à contribution de nombreux outils statistiques. Les recensements de l'INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) ou ceux de la Sécurité Sociale sont utilisés. C'est un véritable miroir d'un désir d'objectivité, d'approche positive d'une question traditionnellement ancrée profondément dans des approches subjectives, quasi nihilistes. Cette population d'artistes reste cependant difficile à cerner. Raymonde Moulin utilisera donc l'enquête sociologique (p.264), et multiplie ainsi les approches. Elle écrit : Nous n'avons ni cherché un critère univoque d'appartenance à la profession d'artiste, ni tenu pour artistes tous ceux qui se désignaient comme tels (p.264). [...]
[...] Mondialisation et nouvelles technologies [Moulin, 2000] qui marquent, chacun à sa manière, autant d'étapes déterminantes, tant dans la carrière de Raymonde Moulin que dans la construction et l'affirmation de la sociologie de l'art comme discipline reconnue dans son indépendance. Son œuvre gravite autour des domaines de la sociologie des marchés et des professions artistiques, des politiques culturelles publiques, de la démographie professionnelle des populations d'artistes, de la théorie sociologique et économique de la valeur artistique. L'artiste, l'institution et le marché, constitue un élément central dans les recherches de Raymonde Moulin. [ ] L'artiste, l'institution et le marché, propose une théorie novatrice de la valeur artistique et renouvelle l'analyse des carrières professionnelles d'artistes. [Menger, Passeron, 1994]. [...]
[...] peut déterminer une valeur artistique qui du ce fait aura des répercussions sur les prix. L'Etat n'est cependant pas le seul acquéreur de poids pour l'établissement d'une valeur artistique. Grandes galeries internationales, collectionneurs reconnus sont autant d'acteurs dont les stratégies d'acquisition (suivies de très près) pèsent sur ces valeurs. Ce qui importe dans le monde de l'art c'est la valeur que je sais reconnue par d'autres personnes bien informées [Menger, Passeron, 1994]. Finalement, les valeurs artistiques se construisent au croisement des marchés avec les politiques culturelles et les jugements de personnes morales ou physiques dont la notoriété est reconnue. [...]
[...] Ce qui est d'autant plus étonnant c'est l'intérêt que porte Raymonde Moulin à cet artiste, théoricien de l'art (brut). Nous avons d'ailleurs déjà mentionné ses projets en cours : Dubuffet, créateur et stratège : l'invention et le monopole de désignation de l'art brut et Le marché de l'art brut entre l'Insane Art et l'Outsider Art ainsi que la couverture de l'édition de 1997 de L'artiste, l'institution et le marché, ornée d'une peinture de Jean Dubuffet. L'Art Brut, dont Dubuffet s'est fait le théoricien adopte une position qui peut être perçue comme très radicale, à contre courant. [...]
[...] Raymonde Moulin y décrit les changements intervenus en France dans la politique artistique de l'Etat, dans les mondes et les marchés de l'art (p. et revient sur les mécanismes de formation et d'homologation de la valeur artistique (p. 9). Le phénomène présenté ici est la mise en place d'un véritable interventionnisme d'Etat, en France, amorcé à partir des années 1960. Aides à la création, Etat mécène, sécurité sociale, institutions publiques, moyens financiers ; l'action artistique de l'Etat dans sa totalité est mise en avant et analysée ici. [...]
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