Selon Mosse, l'invention de la virilité moderne remonte au 17e et n'a que fort peu changé depuis, malgré les mutations structurelles de la modernité et nombre d'épreuves (qui soit le renforcèrent, soit lui apportèrent d'autres caractéristiques)... De fait, l'idéal masculin se définit toujours par les mêmes critères : volonté et puissance, mesure, courage, honneur...
La virilité moderne est un stéréotype, à savoir une image mentale standardisée qui permet, via des symboles, de refléter des notions abstraites... Vulgarisé par les textes et les images, il répond à des besoins sociaux, aux aspirations de la société moderne (ordre, progrès) et est profondément enraciné : voilà qui - avec l'aide du contretype - contribue à expliquer son étonnante permanence... Ce stéréotype, porteur d'une importance sociale et politique, se modifie difficilement et fige profondément dans les esprits une image, des caractéristiques physiques et comportementales (...)
[...] De fait, le nouvel homme du fascisme et du national-socialisme n'était guère vraiment nouveau, dans la mesure où la plupart de ses caractéristiques appartenaient déjà au stéréotypé masculin ; seulement, ils ont été poussés à l'extrême, insistant sur l'agressivité. Cette inquiétante dérive, cette instrumentalisation symbolique et politique témoigne des effrayantes possibilités de la virilité moderne. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe de l'Ouest souhaitait rendre la virilité normative plus prosaïque. Depuis lors, tous ceux qui ambitionnaient de transformer les valeurs morales et les mœurs portèrent de sérieux coups à l'idéal masculin, toujours dominant . Le mâle bourgeois a-t-il encore cependant de beaux jours devant lui ? [...]
[...] A cet égard, le désir des parias de s'y conformer illustre fort bien la puissance du stéréotype, puisqu'ils étaient considérés comme un groupe contraire à celui-ci et se sont pourtant ralliés à ses normes Sans doute les minorités de l'époque, ayant intériorisé le stéréotype et son repoussant contretype (c'est-à- dire elles-mêmes se sentant inferieures, souhaitaient-elles se faire accepter par la société et y jouer un rôle ; pour cela, elles devaient se plier aux fortes pressions qui les sommaient de prouver leur virilité Adopter une apparence et un comportement virils revenait à s'acheter un billet d'entrée pour la société écrit Mosse Dès leur émergence, les nationalismes modernes se sont approprié cet idéal, en forçant certains de ses traits : la virilité prit alors des dimensions extrêmes. Transcendant la vie quotidienne, elle fut investie d'espoirs nouveaux et d'une valeur symbolique essentielle. [...]
[...] Beaucoup entreprirent d'ailleurs de tirer profit de cet idéal : savants, artistes, théologiens, mouvements politiques et sociaux et, surtout, la classe moyenne . Progressivement, le corps de l'homme fut perçu comme un emblème de virilité, de courage, dans sa force et sa beauté, l'idéal masculin fut alors érigé au rang de symbole de la société et même de la nation. Unissant la beauté à la vertu, caractérisé par l'union parfaite du corps et de l'esprit mens sana in corpore sano le stéréotype représente les valeurs prisées par la société et définit les critères du convenable. [...]
[...] Ainsi, selon Mosse, Ce qui est en question n'est pas la mort du stéréotype, mais les modalités de son érosion et La question n'est pas de savoir si la virilité moderne sera renversée, mais jusqu'où elle pliera Mosse fut l'un des premiers à souligner l'importance de la culture et des présentations dans l'histoire. Avant son étude, la masculinité n'a guère fait l'objet d'études historiques systématiques ; longtemps, la notion de virilité est restée dans l'ombre ; longtemps elle a attendu d'être étudiée comme un phénomène historique en soi C'est désormais chose faite ! [...]
[...] Aussi, en tant que ciment de la modernité, cet idéal sera difficile à détruire ! En effet, estime Mosse, L'Histoire pèse de tout son poids : de fait, la chute ou une transfiguration radicale du stéréotype semble improbable Quoiqu'il en soit, il importe de ne négliger en aucun cas l'importance de ce phénomène historique, dont la force persiste sur le plan concret comme sur le plan abstrait –cela reste un idéal : ainsi, alors même que la virilité est plus attaquée que jamais, elle continue d'informer la vision, la perception, la mortalité de la majorité des occidentaux. [...]
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