Le monde à l’envers - Christopher Hill

Thèmes abordés

Christopher Hill, protestantinisation, Fairfax, Cromwell, New Model Army, niveleurs, divagateurs, baptisme

Résumé du document

Ecrit en 1972, le livre se situe dans la série de travaux que l'auteur a consacrée aux mouvements protestants et aux changements sociopolitiques du siècle des révolutions anglaises. L'ouvrage est contemporain des travaux de Michael Walzer et de Bernard Capp sur les courants protestants non-conformistes, mettant l'accent sur leurs aspects politiques et sociaux novateurs.
Hill cherche à montrer que les évolutions religieuses et politiques de l'Angleterre sont en partie une traduction de l'émergence d'une bourgeoisie entreprenante, hostile au féodalisme et politiquement avancée. Mais il souligne aussi l'action cruciale de couches populaires qui trouvent dans le protestantisme non anglican le moyen de promouvoir une société radicalement nouvelle et égalitaire, différente de celle rêvée par les élites puritaines ; Cette dissonance explique l'expression tirée des Epîtres de Paul sur « le monde à l'envers », tant attendu par les révolutionnaires et tant craint par les élites sociales (puritains inclus, Cromwell n'étant pas le moins conservateur socialement parlant).

Extraits

[...] En effet, en mettant l'accent sur la discipline intérieure et la soumission à Dieu et à Dieu seul, ces groupes rejettent toute autre autorité comme illégitime. Chez les artisans urbains, chez les déracinés, chez les vagabonds, chez les squatteurs des pâtures (expression de l'auteur), un tel rejet est socialement explosif, d'autant que ces groupes sont le fer de lance de sectes protestantes radicales où la communauté joue un rôle fondamental. Les monarchistes et l'Église établie ne se feront pas faute de dénoncer ces marges sociales. Chapitre Agitateurs et officiers. [...]

[...] Pour les puritains, et les différents groupes qui vont en radicaliser le message, la religion est une affaire personnelle, la relation à Dieu étant immédiate et sans intermédiation. L'anticléricalisme est tel qu'un militaire de la New Model Army affirme publiquement que son épée n'aura de repos, comme des milliers d'autres, qu'après avoir tranché la gorge de tous les prêtres L'autre aspect de cette transformation religieuse, visible à partir de l'expérience des niveleurs (levellers), tremblants (quakers) et divagateurs (ranters) est le refus de toute norme sociale, à commencer par celles des hiérarchies sociales (récusées comme une insulte au Christ) et de la propriété. [...]

[...] Les élites sociales et religieuses critiquent explicitement cette parole biblique populaire, la voix du vulgaire pour reprendre l'expression de John Gauden, prêtre anglican et royaliste auteur de l'apologétique Eikon Basilike en 1649. Dès 1643, un pamphlet royaliste note (p.27) que c'est de la lie du peuple (que partent les pétitions) contre le clergé orthodoxe La réforme arminienne entraîne de plus un durcissement du contrôle social de l'Église, notamment avec les tribunaux ecclésiastiques, détestés par une partie de la population. Chapitre Des hommes sans maîtres. Cette imprégnation biblique, qui rejoint donc un mouvement d'émancipation vis-à-vis de certaines hiérarchies sociales (Épiscopat, noblesse royaliste), va de pair avec une société plus mobile. [...]

[...] Chap.1, Le Parchemin et le Feu. Au fondement des mouvements puritains, il y a un élément culturel crucial : la Bible, dont l'accès a été contrôlé par la médiation des élites sociales et religieuses Bible du roi Jacques de 1611) est à partir des années 1620 lue librement dans les cercles puritains. Le développement d'un format de poche du texte biblique, bon marché, accessible, à la calligraphie simplifiée en est l'explication matérielle. Spirituellement, la volonté de protestantinisation des puritains entraîne le rejet de toute intermédiation dans l'approche des Écritures. [...]

[...] En 1654, il passe aux quakers, tout en refusant les excès des divagateurs qu'il accuse d'impiété et d'immoralité. Le principal intérêt du personnage est sa vision de la Bible, vision très critique puisqu'il considère que les Écritures sont contradictoires et qu'elles ne sauraient décrire la réalité en tant que tel. Il cherche donc à mythologiser le récit biblique en en faisant une allégorie, dont on peut tirer des préceptes moraux. Chapitres et 15 L'auteur souligne le caractère novateur de la sociabilité des groupes sectaires lors de la révolution anglaise : transformation des relations hommes/femmes dans un sens plus égalitaire et moins répressif (certains auteurs comme Michael Walzer parlent de révolution sexuelle puritaine pratiques de transes et transgression des codes de normalité, égalité dans l'accès du droit à la parole religieuse et au prêche (d'où l'expression de prédicateurs mécaniques De ce fait, les communautés sectaires créent un espace de sociabilité en rupture avec l'environnement, de plus en plus normalisé par la pratique conservatrice du Protectorat. [...]