Les lignes de partage de la société peuvent se lire dans l'organisation de la ville, notamment dans l'opposition entre ses différents quartiers. Il n'est pas indifférent d'habiter là plutôt qu'ailleurs. Les familles de l'aristocratie fortunée et de la grande bourgeoisie ancienne résident presque exclusivement dans le 7e, 8e, 9e et quelques banlieues dont l'archétype est Neuilly.
Par un tri social des plus strict, les rallyes pour les adolescents et les cercles pour les adultes viennent parfaire ce que la ségrégation spatiale n'avait pu qu'ébaucher. La motivation de cette enquête est de comprendre la logique sociale qui contraint les classes privilégiées à vivre entre elles. Les familles interviewées disposent de grandes fortunes et appartiennent à des lignées occupant depuis plusieurs générations des positions socialement dominantes. La profession de ces personnes compte en fait assez peu étant donné que la position sociale est ici avant tout héritée.
Ces familles furent contactées, ainsi que les informateurs par recommandation, permettant ainsi de pénétrer dans cet univers clos. Mais le but n'est pas ici de dénoncer ou de dévoiler richesses et privilèges. Il s'agit de comprendre les raisons de la discrétion, de la volonté de demeurer à l'écart, entre soi.
Il existe une méconnaissance réciproque entre les hautes classes et le reste de la société. Les classes privilégiées n'ont guère de contacts avec les autres groupes sociaux mais, réciproquement, ceux-ci savent très peu de la vie des familles les plus éminentes.
[...] Même les épouses n'ont pas accès à tous les espaces d'un club, ce qui maintient les femmes dans leur position dominée. Les deux sociologues affirment tout de même qu'il existe une certaine familialisation nouvelle ou accrue dans certains cercles, c'est-à-dire un développement de leur fréquentation en famille, comme c'est le cas pour le Cercle du bois de Boulogne. Mais encore aujourd'hui, bien que les familles et donc les femmes soient bien plus présentes, le comité de direction d'un tel cercle ne comporte que des hommes. [...]
[...] L'école communale : publique ou privée ? Il est d'autres formes d'appropriation de l'espace public qui tendent à exercer un contrôle sur le cadre de vie des grandes familles, comme le fait de s'approprier une école publique, ce qui transparaît dans la composition sociale des parents d'élèves de l'école Charcot par exemple à Neuilly ( de chefs d'entreprises et professions intellectuelles). Les parents de ces élèves suivent de près le travail de leurs enfants et n'hésitent pas à demander un rendez-vous avec le professeur dès qu'une difficulté apparaît. [...]
[...] C'est par excellence le cercle de l'aristocratie. Et si certains bourgeois sont accueillis, les réussites récentes sont bannies et le Jockey n'accueille que des familles roturières de longue date. En outre, il faut rappeler que depuis la troisième République, il n'est plus créé de titres nobiliaires. Le Jockey n'est pas un cercle où le mérite personnel peut être décisif. Il vaut mieux être le dixième représentant, parfaitement inconnu, d'une lignée illustre, qu'un industriel, un homme d'affaires ou un intellectuel à la réussite fulgurant, mais à la naissance obscure. [...]
[...] Héritage économique, héritage du capital social, héritage culturel et héritage des dispositions qui font l'excellence sociale passent par cet entre-soi indispensable à la préservation et au maintien de positions atteintes. [...]
[...] Les votes négatifs comptent donc plus que les votes positifs. Il faut donc un large consensus pour pouvoir être admis. Il faut tout de même noter que peu d'accidents surviennent, puisque les candidats présentent tous les attributs pour être admis. Enfin, seuls les hommes peuvent être membres à part entière du Jockey Club, les femmes et la famille des membres n'ayant accès qu'à un accès réduit. Les autres cercles : aristocratie et bourgeoisie ancienne, des dosages subtils Le Jockey Club est l'incarnation même de l'esprit de cercle. [...]
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