Pourquoi « Les métamorphoses de la question sociale » ?
Tout d'abord parce que ce livre est incontournable dans la nouvelle approche de la question sociale, mais aussi par l'intérêt que suscite sa construction (« fresque sociologique sur fond historique ») et par son objectif (analyse des transformations en cours).
Ensuite parce que cette chronique du salariat au travers des siècles permet de revisiter les fondements même de la question sociale.
Enfin, l'enquête socio-historique que mène Robert Castel, dans son ouvrage, sur les formes évolutives de l'intégration sociale (« évolutives » jusqu'aux années 60/70) éclaire singulièrement notre propre actualité : chômage, précarité, nouvelle pauvreté, exclusion....
L'auteur utilise le concept de « désaffiliation » pour comprendre le mécanisme de l'exclusion et nous renvoie à un passé pas si lointain pour en estimer les risques.
A l'heure où le débat sur l'avenir du travail bat son plein et/ou la question de l'Etat Social est en équilibre précaire ; « Les métamorphoses de la question sociale » apparaît comme essentiel pour interroger le futur.
Né en 1933, Robert Castel est agrégé de philosophie et Docteur d'Etat ès lettres et Sciences Humaines. Actuellement, il est directeur d'études à l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) et directeur du CEMS (Centre d'Etude des Mouvements Sociaux). Ses domaines de recherche sont la sociologie de la psychiatrie et la transformation des politiques sociales, du travail et de l'emploi.
Travaille dans les années 1960 avec Pierre Bourdieu, puis s'intéresse à la psychanalyse et à la psychiatrie et se rapproche de Michel Foucault.
Fondateur, avec Pierre Bourdieu et Michel Foucault, du Département de Sociologie de ce qui est devenu, en 1979, Paris VIII, et qui s'appelait alors "l'université expérimentale de Vincennes". A partir du début des années 1980, Robert Castel s'oriente sur les interventions sociales, la protection sociale, les transformations des politiques sociales, du travail et de l'emploi.
Il veut comprendre comment le salariat qui fut d'abord une position méprisée s'est petit à petit imposé comme modèle de référence et comment il s'est progressivement associé à des protections sociales, et à la notion de propriété sociale. Ses recherches analysent les processus de constitution de la société salariale, puis de leur effritement à partir du milieu des années 1970 et dégagent les conséquences de ces dynamiques sur l'intégration sociale et le statut de l'individu contemporain. Il apporte, ainsi, une contribution essentielle au développement d'une sociologie de l'Etat social et de l'exclusion. Notamment le concept de "désaffiliation" qu'il a introduit, est considéré par tous, aujourd'hui comme un concept essentiel pour la compréhension des mécanismes d'exclusion.
[...] Amélioration pour tous donc, accumulation de biens et de richesse, création de positions nouvelles (salariat bourgeois employés, cadres, professions intermédiaires développement des droits et des garanties, des sécurités et des protections. Le salariat ouvrier, hier indigne et redouté, est petit à petit dilué absorbé dans la stratification salariale et n'oppose plus de vulnérabilité de masse de risque de désaffiliation. Il est inscrit socialement au sein de la société. La société salariale paraît en voie de résorber le déficit d'intégration Les supports de cette «résorption» sont multiples (notamment les avancées réalisées pendant la période du Front Populaire de 1936) et très intriqués dans l'épanouissement de la grande entreprise industrielle. [...]
[...] Institué à la fin de l'Ancien Régime, le livret a pour objectif de contrôler la mobilité ouvrière. Nécessaire à l'embauche, il sert de passeport auprès des autorités de police. Il est aboli en 1890. Propriétaire de l'usine, le patron édicte un règlement qui a force de loi et dont la transgression donne lieu à sanctions. Dans la fabrique, pensée sur le modèle de la famille, le patron en est le Père et sort un système de règlementations obligatoires à fonction moralisatrices. [...]
[...] Cet état social et son corollaire ce Grand Intégrateur »[24]joué par le travail, abandonnent l'individu dans une double particularité/contradiction : celle d'être à la fois faisant partie d'une homogénéité sociale et d'être une individualité objectivement affranchie du collectif. Pour certains, l'état devient providence et est un facteur puissant d'individualisme Les protections sociales se sont inscrites dans les failles de la sociabilité primaire et dans les lacunes de la protection rapprochée. Elles répondaient aux risques qu'il y a à être un individu dans une société dont le développement de l'industrialisation et de l'urbanisation fragilisait les solidarités de proximité. [...]
[...] La zone d'intégration associe travail stable et insertion relationnelle solide La zone de désaffiliation associe l'absence de participation à toute activité productive et l'isolement relationnel La zone de vulnaribilité sociale est une zone intermédiaire, instable qui conjugue la précarité du travail et la fragilité des relations. La sociabilité primaire est une expression empruntée, par R.Castel, à Alain Caillé Sociabilité primaire et société secondaire : système de règles tacites, reproduit par la tradition et dans lequel les individus ont tissé des réseaux d'interdépendances sans médiations d'institutions spécifiques. Pour R.Castel, le social assistanciel est une réponse face aux carences de la sociabilité primaire. Cinq règles le caractérisent : il est construction de pratiques à fonction protectrice ou intégratrice. ces pratiques présentent des ébauches de spécialisation. [...]
[...] Ainsi, l'État social prend toute sa place à compter de 1848. On peut interpréter l'avènement de l'État social comme l'introduction d'un tiers entre les chantres de la moralisation du peuple et les partisans de la lutte des classes. Les uns et les autres campent sur des positions symétriques, mansuétude des gens de bien envers les misérables d'un côté, lutte des exploités contre les exploiteurs de l'autre. Positions symétriques, parce qu'il n'y a rien de commun à l'une et à l'autre, rien de négociable entre l'une et l'autre. [...]
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