L'œuvre de Maurice Halbwachs s'articule autour de deux grands axes de recherche. D'une part, l'étude des classes sociales, en particulier de la classe ouvrière (consommation, habitat, modes de vie, etc.), d'autre part l'étude de la mémoire dans un programme de psychologie collective.
En 1925, dans Les cadres sociaux de la mémoire, le sociologue énonce l'ambition générale de son travail, qui consiste à définir la mémoire individuelle à partir de ses dimensions sociales : " Si nous examinons de quelle façon nous nous souvenons, nous reconnaîtrions que le plus grand nombre de nos souvenirs nous reviennent lorsque nos parents, nos amis, ou d'autres hommes nous les rappellent. [...] c'est dans la société que l'homme acquiert ses souvenirs, qu'il se les rappelle, qu'il les reconnaît et les localise. [...] Il n'y a pas à chercher où sont les souvenirs, où ils se conservent, dans mon cerveau, ou dans quelque réduit de mon esprit où j'aurais seul accès, puisqu'ils me sont rappelés du dehors, et que les groupes dont je fais partie m'offrent à chaque instant les moyens de les reconstruire ".
[...] il fait du Bergson contre l'Histoire, mais cela ne signifie pas qu'il concède plus de choses à Bergson. Au contraire, dans son renversement de perspective, Halbwachs réaffirme sa critique de la philosophie bergsonienne. Il se l'approprie, en use, pour mieux la vider de sa pertinence, tout en revoyant le contenu de sa critique. Ainsi, lorsqu'il se replonge dans Durée et simultanéité, c'est avant tout pour repréciser sa réflexion sur la double nature du temps, contre le temps abstrait et universel des historiens. [...]
[...] Ainsi, beaucoup jusqu'ici ont préféré ignorer les amendements inachevés portés par Halbwachs lui-même à sa propre théorie, et ont sciemment réduit la sociologie de la mémoire à l'ouvrage de 1925 En un sens, cette posture était la plus prudente, car le fait est que la seule édition disponible jusqu'en 1997 multipliait les contre-sens, trahissait les intentions de Halbwachs, en accentuant une illusoire continuité avec Les Cadres et en gommant les points de rupture paraissant trop contradictoires ou ambigus pour être volontaires En un autre, cette focalisation exclusive sur Les Cadres . était elle aussi une trahison de la pensée de Halbwachs, puisqu'elle était au principe de cette incompréhension totale consistant à percevoir La Mémoire . comme une continuation, un amendement, un complément aux Cadres . La réédition qui nous a servi pour notre étude constitue dans ce contexte un événement selon Gérard Namer qui l'a établi. En revenant à la source du manuscrit aux milles variantes elle se propose de restituer à La Mémoire . [...]
[...] Il n'y a pas, à notre sens, de phrase plus pertinente à l'heure actuelle. En conclusion, nous voudrions souligner que s'il existe indubitablement une actualité et une utilité de cette seconde sociologie de la mémoire aujourd'hui, tout le problème reste encore de préciser exactement les modalités de l'utilisation de cette sociologie inachevée. Cette réédition invite à changer de paradigme, à renoncer aux Cadres car Halbwachs avait lui-même consommé sa rupture avec cette œuvre de jeunesse imparfaite, mais la seconde sociologie reste encore largement à inventer. [...]
[...] Il faut donc rompre avec Halbwachs pour continuer son œuvre. De façon anecdotique, on peut rappeler ici que Mme. Segalen débute son cours sur la mémoire familiale en Licence de Sociologie en expliquant qu'elle ne s'appuiera que sur Les Cadres tout en prenant soin de préciser que dans La mémoire . Halbwachs dit presque tout le contraire . Ces cinq parties sont, dans l'ordre, La mémoire collective chez les musiciens, Mémoire individuelle et mémoire collective, Mémoire collective et mémoire historique, La mémoire collective et le temps, La mémoire collective et l'espace. [...]
[...] Se pose alors la question de la modernité de cette œuvre de Halbwachs, et avant toute chose de sa mémoire. Il est non seulement possible, mais souhaitable, d'appliquer à la sociologie de Halbwachs ses propres outils, pour comprendre pourquoi jusqu'à aujourd'hui l'engouement pour la sociologie de la mémoire s'est traduit par un oubli de La Mémoire . au seul profit des Cadres et pourquoi La Mémoire . a été rééditée à partir des manuscrits originaux en 1997. L'impressionnant travail fournit par G. [...]
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