Marc Abélès est un ethnologue et sociologue français, actuellement directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et au Laboratoire d'anthropologie des institutions et des organisations sociales (LAIOS). Il s'est particulièrement intéressé au pouvoir politique et à la façon dont il s'institutionnalise, par ce qu'il qualifie de coutumes et de rituels.
Marc Abélès se propose d'avoir une vue d'ethnologue plus que de sociologue, entendu trop souvent comme l'étude de sociétés primitives, ce qu'il affirme par deux fois, en préface et en conclusion. C'est d'ailleurs le cas dans ce livre, qui, symboliquement, s'ouvre sur sa dernière enquête à proprement parler d'ethnologue, entendu trop souvent comme l'étude de sociétés primitives, tels les Auxerrois qui ne sont pas étonnés qu'un ethnologue aille s'intéresser au Morvan, la province profonde, mais sont troublés qu'il s'intéresse à leur ville, pour notre société,), où il essaye de comprendre les coutumes politiques dans un village éthiopien. C'est confronté à son incapacité à expliquer la politique de son propre pays qu'il se décide à étudier sur place les comportements politiques d'un département français, l'Yonne (Yonne 89, d'où le titre). Il veut chercher nos « manières indigènes » de faire de la politique. Il se propose donc de faire un voyage à travers la province, en partant du canton le moins peuplé du département, celui de Quarré-les-Tombes, jusqu'à son chef-lieu, Auxerre.
L'ethnologie « a l'ambition de mettre au jour cette trame symbolique qui sous-tend le discours et l'action des hommes et produit simultanément l'identité des uns et l'étrangeté des autres ». Cette démarche est quasi-pionnière et a été très bien accueillie par la critique lors de sa sortie. « Ce coup d'essai est un coup de maître » a commenté Emmanuel Terray.
La période retenue se révèle évidemment particulièrement intéressante : c'est entre 1982 et 1989 que se déroule Jours tranquilles en 89. C'est donc l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République et c'est aussi la mise en place de la décentralisation, soit le transfert de certains pouvoirs de l'État suivant le principe de subsidiarité, chaque problème devant être réglé au plus petit niveau possible, et donc la fin de la tutelle préfectorale.
[...] Jusqu'ici, l'élu local gagnait une position au sein de la société civile et le rôle de messager Avec la réforme, l'enjeu est de taille. Maintenant, il devient un membre à part entière d'un gouvernement local C'est une certaine hiérarchie traditionnelle qui est alors remise en cause. La responsabilisation des fonctions locales peut encourager la sollicitation de plus grands techniciens, comme dans le cas de Grégoire Diriez, image du jeune énarque qui se démène pour sa commune. La généralisation du phénomène de parachutage, ainsi que la demande sociale et de gestion plus dynamique, peut aussi participer à la politisation progressive des différentes circonscriptions électorales. [...]
[...] En revanche, quand il se représente en 1983, il le fait avec seulement cinq autres colistiers. De ce fait, explique Abélès, il incarne toujours le changement (par l'anticléricalisme ancestral de sa femme mais le fait de ne pas présenter une liste complète montre qu'il accepte d'être dans la minorité. Trois des candidats de sa liste seront élus. Cette importance de la lignée fait même parler de dynastie comme pour la famille Flandin, une vieille famille de notables. Pierre-Étienne Flandin a été une des gloires politiques du Morvan, et sa position nationale lui a permis de favoriser un bon nombre de ses amis (profitant du cumul des mandats et de leur redistribution) et de ses administrés. [...]
[...] L'éligibilité se donne comme une évidence, comme une propriété naturelle de l'individu. Cherchez le naturel Vous trouverez les réseaux. L'application du modèle d'Abélès Le Parti communiste, symbole et témoin Abélès évoque un communisme du terroir avec un prestige acquis principalement à l'époque du Parti des fusillés où il a animé la Résistance, puis en restant le parti le plus organisé, dans la défense des plus pauvres. Son déclin ne lui laisse pas moins une certaine influence et reconnaissance, comme le personnage de Théo (son surnom dans la résistance) à Saint-Léger-Vauban. [...]
[...] Cependant, il se garde de faire de cette vie politique pratique une théorie, de telle sorte que son analyse ethnologie demeure bien cette découverte de l'implicite dans le politique. Certains épisodes du livre pourraient davantage relever du journalisme (mais un journalisme très approfondi) que d'anthropologie, notamment lors de ses discussions avec les différents notables de l'Yonne. Ce rapport au politique a-t-il évolué dans les vingt dernières années ? La décentralisation Dans son livre, Abélès consacre un chapitre à la décentralisation. [...]
[...] Abélès décrit deux parachutages, celui d'Henri Nallet et de Georges Diriez. Tous deux sont des jeunes militants diplômés, poussés par le parti à devoir gagner des places électorales peu prenables. Tous deux ont dû compenser leur anonymat par une véritable campagne de porte à porte, puis par un travail considérable, profitant de leurs propres réseaux, souvent ceux de l'ENA ou de l'ENS. Henri Nallet a pu être élu non pas avec l'appareil départemental du Parti Socialiste par ailleurs relativement faible mais parce qu'il a su pénétrer les différents réseaux. [...]
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