Adolescence, post-adolescence, jeunesse, ces termes sont souvent employés de façon proche pour désigner la période de la vie qui s'intercale entre l'enfance et l'âge adulte. Pourtant, ces choix engagent, parfois de manière implicite, à des interprétations sociologiques distinctes. Et comme le rappelle Pierre Bourdieu dans « La jeunesse n'est qu'un mot », dans Questions de sociologie, les divisions entre les âges sont arbitraires et dans toutes les sociétés, la frontière entre jeunesse et vieillesse est un enjeu de lutte. Selon lui, chaque champ a « ses lois spécifiques de vieillissement », et les rapports entre l'âge social et l'âge biologique sont très complexes. En faisant des lycéens leur objet d'études, A.Bounoure, M.Colin et M.Delclaux refusent de prendre pour données les coupures, soit en classes d'âges, soit en générations. Ils décident ainsi d'étudier non pas un ensemble d'individus dont la seule caractéristique commune serait d'être tous nés entre deux dates définies arbitrairement ; mais plutôt d'étudier des personnes dont le point commun tient à l'intersection de leurs cycles de vie respectifs, des personnes dont les parcours individuels les font se rencontrer au sein de l'enseignement post-obligatoire. Cette approche ne sous-entend néanmoins pas la parfaite homogénéité de cette population, les auteurs s'attachent même tout au long du livre à établir différents profils de lycéens en fonction des différents rapports aux études, aux « petits boulots », aux relations amoureuses ou encore à la famille. Mais, ce qui est intéressant dans cette façon d'appréhender « les jeunes », c'est la possibilité qui en découle de mettre en évidence deux grands phénomènes participant de ce que l'on pourrait appeler des « lois de vieillissement du champ lycéen » : l'accroissement des activités professionnelles dans l'emploi du temps hors du lycée, le passage des amours fugaces à des relations plus stables pouvant conduire à une installation en couple.
[...] D'autre part, les lycéens étudiés dans ce livre n'ont pas non plus comme seul impératif de prendre du bon temps ils sont prêts à sacrifier de leur temps de loisirs pour prendre des responsabilités, l'accroissement des activités professionnelles dans l'emploi du temps hors du lycée en témoigne. A la culture de l'irresponsabilité définit par Parsons pour parler de l'adolescence américaine des années 1940, succède ce qu'on pourrait appeler la culture de la responsabilité pour désigner ces deux tendances propres aux lycéens français d'aujourd'hui qui sont : l'augmentation du travail extrascolaire rémunéré et le passage des amours fugaces à des relations plus stables pouvant conduire à une installation en couple. [...]
[...] Le domicile familial ne constitue pas un lieu de rencontre avec le partenaire. Pour ceux qui sont en couple depuis quelques mois ou plus longtemps, ils se voient plusieurs fois dans la semaine et passent la majeure partie de leurs week-ends ensemble. Ils ont des activités de loisirs communes et les rencontres se font également au domicile de l'un ou de l'autre. ( Dans la troisième partie du livre les auteurs montrent comment les lycéens concilient ces nouveaux comportements avec leurs études et leur vie en famille. [...]
[...] Pour certains, les petits boulots ne constituent pas la seule source de revenus. À elles s'ajoutent l'argent de poche, l'achat et la revente de marchandises (pratique qu'ils nomment business des aides sous la forme de bourse ou de fonds social. La grande majorité des lycéens consacre cet argent aux activités de loisirs ou à des produits de consommation juvénile. Néanmoins, les enfants des milieux populaires contribuent également à l'achat de fournitures scolaires, aux frais de transport et de repas, certains aident même régulièrement leurs familles. [...]
[...] Ainsi les auteurs s'inscrivent en quelque sorte dans une perspective wébérienne de construction d'idéaux-type. En ce qui concerne le phénomène petit boulot il ressort trois catégories de lycéens : les non travailleurs (majoritairement des élèves jeunes, issus des sections scientifique et économique de l'enseignement général, fils ou filles de cadres supérieurs, d'origine française et habitant dans de petites villes) ; les gros travailleurs qui exercent un emploi régulier tout au long de l'année et qui travaillent pendant au moins un mois d'été (souvent des élèves préparant des baccalauréats professionnels), les travailleurs plus occasionnels (représentant le plus grand nombre de lycéens). [...]
[...] Ainsi, les auteurs ont dû choisir d'utiliser le terme fiancé pour rendre compte de relations durables. Ce terme a été préféré aux termes de petit(e) ami(e) ou de petit(e) copain(ine) qui sont plus largement en usage chez les jeunes mais qui sont souvent utilisés pour des amours brèves. Les auteurs mettent d'ailleurs tout au long du livre le terme fiancé entre guillemets pour signifier qu'il s'agit d'un usage de ce terme qui leur est propre, qu'il faut donc considérer ce terme au sens où eux l'ont défini. [...]
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