L'Etabli (1978) raconte l'expérience que R.Linhart a vécue de septembre 1968 à juillet 1969, en s'établissant dans l'usine de 2CV Citroën de la porte de Choisy à Paris. Ainsi le titre de ce livre est polysémique puisqu'il désigne l'univers de l'usine, de l'atelier, et le statut d'établi du sociologue. L'établissement a été une pratique relativement fréquente chez les étudiants marxistes dans les années 1960, particulièrement après les événements de 1968 (...)
[...] L'observation est faîte de façon cachée, du moins au départ avant qu'il ne l'avoue à ses camarades ou que ses chefs ne le découvrent. Les notes ont donc été prises discrètement lors des pauses dans le travail, ou par reconstitution à la fin de la journée. J'expliquerai par la suite en quoi une telle méthode peut être critiquable sociologiquement. L'ouvrage est divisé en sept parties qui racontent chronologiquement l'expérience de Linhart, de l'embauche au licenciement. Robert Linhart décrit ses impressions, ses contacts à l'usine, ses affectations. [...]
[...] Selon un ouvrier ami de Linhart, ce serait l'une des plus dures. Il ne faut donc pas généraliser en prenant pour base ce cas précis. Egalement, je trouve parfois l'auteur contradictoire puisque d'un côté il se sent appartenir à la classe ouvrière, mais de l'autre il n'oublie pas son statut d'établi, d'intellectuel et se questionne sur sa propre légitimité à tenter de déclencher la révolte ouvrière : Je me dis qu'il faut respecter le rythme de vie des gens et qu'on ne peut pas faire irruption à l'improviste dans un équilibre qui a tant de mal à se reconstituer chaque soir à la fin de chaque semaine (p.65). [...]
[...] Les ouvriers sont éclatés dans l'usine, isolés à leur poste, ont peu de pauses pour se parler. La propagande que tente de mener l'établi est peu efficace, rongée par le manque de temps, la fatigue, l'isolement : Je m'étais rêvé agitateur ardent, me voici ouvrier passif, prisonnier de mon poste. Le travail s'est abattu sur moi (p. 64). Finalement, il parvient à organiser un Comité de base avec quelques ouvriers qui lui fait croire à l'existence d'un prolétariat international, uni par delà les frontières, dans la répétition des gestes identiques et dans la résistance aux formes multiples (p. [...]
[...] Ce récit permet d'éclairer l'actualité. Les ouvriers sont très peu médiatisés, leurs syndicats ont perdu de leur influence. Cet ouvrage rappelle leurs conditions difficiles de travail qui doivent continuer d'être dénoncé, comme le fait le sociologue. Ce récit peut également servir de base pour aborder les persistances et les évolutions de l'organisation du travail traditionnelle (fordiste et taylorienne). Cependant, il faut prendre du recul pour utiliser sociologiquement ce travail très engagé politiquement qui utilise beaucoup l'emphase et l'exagération. [...]
[...] Ils ont un quota de travail, un boni à effectuer par jour. Citroën produit une 2CV toutes les 4 minutes ce qui montre le rythme effréné de la chaîne. Il y a les ouvriers qui coulent c'est-à-dire qu'ils sont trop lents par rapport à la chaîne, ce qui est aussi angoissant qu'une noyade ceux qui décrochent c'est-à-dire qu'ils ne peuvent plus suivre le rythme et arrêtent pour reprendre plus tard. L'auteur dénonce la dictature de l'objet et celle du secteur commercial qui domine les ouvriers : On est constamment exposé à l'agression des objets, à tous ces contacts désagréables, irritants, dangereux, avec des matériaux divers (p.39). [...]
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