Dans cet extrait tiré de « la Vie de laboratoire », Bruno Latour (en collaboration avec Woolgar) présente le processus de fabrication d'un fait scientifique, c'est-à-dire d'une donnée qui « perd tous ces attributs et temporels et s'intègre dans un vaste ensemble de connaissances avancées par d'autres ». Les auteurs s'intéressent à la façon dont l'énoncé devient un fait. Ils présentent l'élaboration de ce fait à travers le contexte historique et social dans lequel il est fabriqué, et montre que ce contexte (dont dépend en grande partie la construction du fait) est ensuite occulté au profit du fait lui-même. Le but du texte est donc de montrer dans quelle mesure la construction de la science est relative à une construction sociale. Pour ce faire, Bruno Latour prend l'exemple d'un laboratoire dont le but est de caractériser une substance chimique, le TRF (Thyrotropin Releasing Factor). Les auteurs ont décidé de privilégier une approche historique de l'évolution des recherches autour du TRF, et de présenter les débats qu'ont suscités ces recherches et les comportements du laboratoire. Cette recherche sociologique s'est principalement faite à l'aide d'entretiens avec les acteurs majeurs des deux groupes de recherche sur le TRF(H), et d'articles publiés dans des revues scientifiques à l'époque des recherches du laboratoire. Il ne s'agit pas pour les auteurs de décrire une chronologie historique des travaux sur le TRF(H). Ces derniers veulent avant tout déconstruire sociologiquement un « fait brut » scientifique, en trouver les origines sociologiques.
[...] Selon Latour et Woolgar, cela serait un argument en faveur du programme fort de la sociologie de la science (qui favorise une approche sociale des causes des succès et des échecs en sciences). Les deux auteurs souhaitent par ce texte établir la genèse historique du fait scientifique : le TRF, un objet à structure moléculaire admis et reconnu par la communauté scientifique. Si cet objet n'a en apparence rien à voir avec la sociologie, il s'agit pour Latour et Woolgar de montrer qu'un fait aussi brut dépend en grande partie de l'influence et du crédit dont dispose le laboratoire, et sont ainsi lisibles en terme de construction sociale. [...]
[...] Ce dernier ne dévoile en fait pas des réalités cachées, il ne découvre pas à l'aide d'inscriptions extérieures. Bien plus, il crée des objets à l'aide d'inscriptions qu'il a lui-même formulées La nature peptidique du TRF Dans cette partie, les auteurs montrent que la recherche autour du TRF a largement été tributaire de la question de la nature peptidique de la molécule, prouvée au début des années 1960. L'évolution du contexte historique et sociologique a amené les principaux chercheurs à douter du fait que le TRF soit un peptide. [...]
[...] On considère alors le TRF comme un objet scientifique, dont la formule chimique a été établie par Guillemain et Shally Le TRF passe dans d'autres réseaux Enfin, le TRF devient réellement un fait, dans la mesure où ses réseaux de diffusion s'étendent, notamment grâce à la presse. Il devient un outil, utilisé par les scientifiques, sans considération des contextes socio- historiques qui en sont à l'origine. III. Conclusion et commentaire critique du texte Le texte de Woolzar et Latour apporte un éclairage nouveau sur la sociologie de la science. Il présente à ce titre plusieurs intérêts. La démarche qui consiste à présenter l'historique de la recherche scientifique d'un fait établi illustre l'influence sociologique de la création de cet objet, et non de sa découverte. [...]
[...] C'est seulement dans un symposium qui eut lieu à Tucson en 1969 que le scientifique Burgus montra que le TRF ne pouvait pas ne pas être un peptide. Il effectue sa démonstration grâce à la chimie, selon lui trop négligée par Shally et Guillemain Rétrécissement des possibilités La preuve que le TRF est un peptide dépend, là encore des négociations entre chercheurs. S'il s'avère que le TRF est bien un peptide, il est alors possible de le synthétiser, dès lors que les chercheurs sont d'accord sur la concordance des propriétés entre la TRF synthétisée et la TRF naturelle. [...]
[...] Le texte reste cependant centré sur la question du TRF(H). On peut alors se demander dans quelle mesure cette situation s'applique à la science en général, et si cet exemple n'est pas une exception due à la situation de la recherche scientifique à cette époque, ou à la compétition entre les laboratoires par exemple. L'auteur, en effet, ne généralise pas son exemple. Ainsi, il n'explique pas comment cette influence du contexte sociologique peut influer sur la recherche dans d'autres types de sciences, comme les sciences humaines. [...]
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