Le Jihad a pour ambition de rendre compte de l'islamisme dans son ensemble, à travers le monde, depuis la fin des années 1960. Y est donc observée la politisation de l'islam, la thèse maîtresse de l'ouvrage étant que la radicalisation de ce dernier doit être appréhendée comme un signe de déclin et non comme un indice de puissance croissante. Plus exactement, Gilles Kepel identifie plusieurs séquences de l'évolution de l'islamisme au cours du dernier quart du XXeme siècle qu'il nomme l'« ère islamiste » :
- la première phase, « celle du basculement », s'étend des lendemains de la guerre israélo-arabe d'octobre 1973 à la fin des années 1970 ;
- la deuxième phase est « celle de l'expansion fulgurante, mais aussi de l'affûtage des contradictions » et s'étend du début des années 1980 au début des années 1990 ;
- la troisième phase, du déclin, correspond à la dernière décennie du XXeme siècle ;
- la dernière phase, dans laquelle nous sommes actuellement, s'ouvre avec le vingt et unième siècle. Il s'agit d'un nouveau « moment » celui du « dépassement », où le monde musulman entre dans la modernité « selon des modes de fusion inédits
avec le monde occidental - notamment par le biais des émigrations et de leurs effets, de la révolution des télécommunications et de l'information ».
[...] Avec l'expression de cette pensée les différents mouvements islamistes s'affrontent. Les échecs de l'islamisme Au cours de la décennie 1990, l'islamisme voit son aura s'effriter sérieusement. La création d'un Etat musulman en Europe avec la proclamation d'indépendance de la Bosnie-Herzégovine est immédiatement compromise par la guerre qu'elle provoque dans toute la Yougoslavie. Malgré les appels des mouvements islamistes à défendre cette terre d'islam qu'ils découvrent, ni l'Iran encore affecté par la mort de Khomeini, ni l'Arabie Saoudite lourdement endettée par la guerre du Golfe ne surent apporter un soutien efficace et le prêche des rares jihadistes débarqués d'Afghanistan ne rencontrèrent guère d'écho parmi les populations musulmanes locales qui percevaient en d'autres termes le conflit avec leurs voisins serbes et croates A la même époque le conflit israëlo-palestinien s'apaise sensiblement avec la signature des premiers accords de paix. [...]
[...] Avec la confrontation entre Hamas et O.L.P., se retrouve cristallisée l'opposition entre islamisme et nationalisme. Les années F.I.S. en Algérie. Octobre 1988, des émeutes spontanées dans la jeunesse pauvre d'Algérie marginalisée par la classe au pouvoir débouchent sur l'adoption d'une nouvelle 4 constitution qui met fin au régime du parti unique. Les islamistes algériens de tous bords, qui ont utilisé les émeutes pour s'affirmer, créent alors le Front Islamique du Salut, seul parti politique capable de s'appuyer sur un vaste réseau de prédicateurs et d'infrastructures qui relaient son message et entretiennent un climat de constante mobilisation par la multiplication des démonstrations de force. [...]
[...] Les soviétiques se retirent en février 1989, après dix ans de résistance. L'islamisation de la cause palestinienne. Cette cause était quelque peu délaissée avec la focalisation du monde musulman sur l'opposition irano- saoudienne. La première Intifada (traduction = soulèvement) en date du 8 décembre 1987 redonne au combat palestinien toute son aura Elle fait en effet émerger un mouvement islamiste dont l'influence ne va cesser de croître : le Hamas. Il s'agit historiquement d'une mutation opérée par les Frères Musulmans qui abandonnèrent leur attitude quiétiste et entrèrent en jihad. L'O.L.P. [...]
[...] Le propos est cependant très justement mesuré parce que, prévient l'auteur, le mouvement peut, à tout moment, renaître de ses cendres si les déceptions politiques qui lui ont permis de s'épanouir se renouvellent dans le monde musulman : Les dirigeants de cet univers se trouvent, plus que jamais, face à leurs responsabilités [ . Il leur faut agir avec célérité. Des choix qu'ils feront dépendra que flotte à nouveau, sous quelque forme, l'étendard du jihad qui s'est déployé pendant ce dernier quart de siècle, ou que les peuples musulmans frayent euxmêmes leur voie propre vers la démocratie. [...]
[...] La révolution iranienne Khomeini renverse le chah d'Iran et proclame la République islamique en Iran. Ce succès réside dans la maîtrise d'une donnée, clef comme nous l'avons vu : l'hétérogénéité de la base populaire. Cette victoire a été rendue possible par la remarquable capacité de Khomeini à unifier les diverses composantes, religieuses et même laïques, d'un mouvement porté au départ par la haine du chah et de son régime, permettant à chacune d'y investir ses fantasmes politiques particuliers, sans qu'ils soient jamais détrompés –jusqu'à la succession d'épurations qui suivit la prise de pouvoir Sous l'unité apparente de la référence religieuse, les alliances contractées entre groupes sociaux opposés sont temporaires et fragiles. [...]
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