La jeunesse n'est qu'un mot, Pierre Bourdieu, jeunesse, catégorie sociologique, L'éducation sentimentale, Hannah Arendt
La jeunesse constitue-t-elle véritablement un groupe social homogène, porteur de revendications identifiables ? En d'autres termes, peut-on penser « la jeunesse » comme une catégorie sociologique ?
En 1978, Pierre Bourdieu répond à cette question au cours d'un entretien mené par Anne-Marie Métailié paru dans Les jeunes et le premier emploi, avec une formule provocatrice : « la jeunesse n'est qu'un mot ». A priori, il semble donc se placer dans la lignée de Jean-Claude Chamboredon : « la jeunesse [ne serait] qu'un mot » en tant qu'elle constituerait une catégorie homogène fantasmée, s'opposant à une réelle hétérogénéité entre « plusieurs jeunesses ». Dans la suite de l'entretien, Pierre Bourdieu distingue notamment une jeunesse étudiante et une jeunesse au travail.
[...] Dans la suite de l'entretien, Pierre Bourdieu distingue notamment une jeunesse étudiante et une jeunesse au travail. L'analyse de Pierre Bourdieu repose sur une étude des rapports de domination sociale et des luttes qui lui sont inhérentes, dans une perspective qu'on peut rapprocher du marxisme. Ainsi, c'est d'abord comme une lutte pour le pouvoir que le sociologue définit non seulement le rapport entre jeunesse et vieillesse, mais aussi le rapport entre jeunes étudiants et jeunes travailleurs. Il propose une réflexion diachronique, en mobilisant aussi bien L'éducation sentimentale que l'exemple des jeunes notables florentins du XVIe siècle, que l'histoire de la philosophie. [...]
[...] Au cœur de la distinction entre deux jeunesses, il y a le système scolaire qui « fonctionne comme un instrument de reproduction ». Les grandes écoles en particulier constituent des espaces en retrait du monde social, que Bourdieu compare à des monastères - à l'opposé de l'intégration à la vie active des jeunes qui travaillent. Le sociologue définit ainsi l'école comme « une institution qui décerne des titres, c'est-à-dire des droits, et confère du même coup des aspirations ». Elle sert en quelque sorte de propédeutique à la vie active, dont elle répartit les rôles. [...]
[...] [Plan] Pierre Bourdieu procède en trois temps, suivant un raisonnement dialectique. En premier lieu, la constitution de la jeunesse comme groupe est « un enjeu de lutte » qui l'oppose au monde des adultes, soucieux de les maintenir en dehors de la société (questions 1 et 2). Toutefois, la constitution de ce groupe est en partie illusoire, dans la mesure où il existe « plusieurs jeunesses » (questions 3 à 5). En définitive, (iii) chaque génération partage un même système éducatif et une même conjoncture professionnelle par rapport à la génération précédente. [...]
[...] Le personnage du vieux barbon qui refuse de céder à la jeunesse l'accès au monde des adultes (souvent symbolisé par un mariage) est un archétype extrêmement répandu. Par exemple, dans Les guêpes d'Aristophane, Philocléon brave son fils, qui veut le retenir à la maison, pour aller siéger au tribunal tous les jours. Ceci dit, la jeunesse ne constitue pas un groupe homogène par opposition à la vieillesse, car le statut de « jeune » varie en fonction du milieu. Pierre Bourdieu observe en effet que « chaque champ [ . [...]
[...] C'est ainsi que d'après Dominique Pasquier, la culture juvénile « échapp[e] au contrôle des adultes » : la reproduction sociale n'est plus automatique, mais requiert des stratégies de socialisation particulières, comme la fréquentation d'un lycée privé. Plus encore, elle constate que la jeunesse adopte des stratégies de distinction sociale opposées à celles des adultes, en se tournant « vers les cultures de la rue » plutôt que vers la culture de la classe dominante. Finalement, Pierre Bourdieu constate que le système éducatif, s'il est un moteur de distinction entre deux jeunesses, participe également à les constituer en groupe homogène. [...]
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