L'ouvrage de Jean-Pierre Olivier de Sardan se place délibérément en rupture avec une certaine vision du développement, qui, selon lui, oblitère les conséquences des interactions entre « développeurs » et « développés » sur leurs stratégies, économiques, politiques, sociales et symboliques, ainsi que la part considérable du changement social dans des sociétés, qui n'ont rien de « statiques » ou d'« arriérées ».
Son livre n'est pas seulement une interrogation sur le développement en lui-même mais s'inscrit dans une perspective à la fois épistémologique et méthodologique des politiques de développement et des études sur le développement et sur les sociétés dites « en développement ». Jean-Pierre Olivier de Sardan écrit ce livre pour pallier l'oubli, fondamental à ses yeux, de recourir à la socio-anthropologie du développement et à certains de ces concepts pour compenser l'absence de réflexion sur les réactions, stratégies, intérêts et représentations, non pas gravées dans le marbre de la tradition mais elles-mêmes changeantes et fluctuantes.
Ainsi, le développement n'est pas un programme neutre venant s'appliquer à un terrain vierge, qu'il faudrait « défricher », « mettre en valeur » et dont l'essentiel de l'action serait extérieur, mais au contraire il s'inscrit dans des rapports préexistants entre les individus, mus par des stratégies indépendantes qui réagissent à ces actions de développement, rapports qui, non statiques, sont eux-mêmes soumis à des phénomènes de changement social endogènes.
Quel rôle et quelle place pour la socio-anthropologie du développement dans l'étude de l'impact du développement sur les populations des pays en développement et dans la détermination des politiques de développement ?
[...] un des techniciens : Sinon, on a qu'à faire comme eux et rester assis les bras croisés toute la journée ! et des représentants locaux, traités avec dédain, parce qu'ils se considèrent en position de force, car porteurs des connaissances techniques nécessaires pour mener à bien le projet. Les relations clientélistes bien réelles sont très mal perçues par le groupe français qui y perçoit un certain archaïsme qui se sent également dépassé par des débats qui ne le concernent plus, selon lui. [...]
[...] Les premiers sont absolument majeurs pour assurer le lien, la communication entre un projet, soit ses promoteurs, et les groupes- cibles locaux, même s'ils n'ont souvent pas conscience de ce rôle crucial de médiateur et privilégie l'affirmation de savoirs technico-scientifiques. Les seconds désignent les intermédiaires locaux, chargés de canaliser les flux de ressources extérieures vers les zones de projet ou d'opération et de servir d'intermédiaire voire de représentant des groupes-cibles. Ils s'inscrivent dans des réseaux mêlant locaux et personnels du développement et mènent des stratégies personnelles. [...]
[...] Il est nécessaire de ne pas voir l'électrification comme le seul élément déclencheur mais davantage comme ayant contribué, éventuellement servi de catalyseur à un bouleversement des rapports sociaux. Le risque persiste ici de survaloriser l'impact et le rôle joué par l'action de développement au détriment des dynamiques internes, endogènes. Les attentes résultent également de la position, dans laquelle se trouvent chaque individu et plus généralement chaque groupe, et qui résulte de la mise en œuvre de tout projet de développement. [...]
[...] D'ailleurs, les savoirs techniques apportés par l'équipe ont effectivement été l'objet d'appropriation par bribes car ils ne correspondaient pas dans leur ensemble systémique, tel qu'il est construit par les références occidentales, aux références des populations locales sans négliger les savoirs locaux à ce sujet (connaissance des groupes électrogènes, villes plus grandes sont électrifiées). Anthropologie, développement et débats académiques L'ouvrage d'Olivier de Sardan, qui se place dans la lignée de l'anthropologie politique de Giddens et Balandier comme reflet francophone des travaux de son homologue anglo-saxon Long et de l'Ecole de Manchester. Si Olivier de Sardan prend l'exemple de l'anthropologie et la sociologie, il ne cherche pas à rentrer dans un débat corporatiste ou limité à cette seule science. [...]
[...] C'est au contraire à un renouvellement des modes de pensée et des méthodes d'analyse dans l'ensemble des sciences sociales qu'il appelle. Sciences sociales dont il affirme la profonde unité, l'indiscernabilité épistémologique Dès l'introduction, l'auteur s'en prend par ailleurs à certains collègues, dont il critique la non-prise en compte des travaux de la socio- anthropologie du développement, et parmi eux Gilbert Rist.[16] De fait, il semblerait bien que toute une part de l'étude du développement ait plus ou moins sciemment dénigré les travaux réalisés par les socio-anthropologues. [...]
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