Jean-Daniel Reynaud (1926-), ancien élève de l'Ecole normale supérieure, est agrégé de philosophie en 1946. En 1950, il entre au CNRS et se joint au Centre d'études sociologiques, dirigé à l'époque par Georges Friedmann. Il crée notamment une chaire de sociologie
du travail qu'il dirigera pendant 35 ans. Il est actuellement professeur honoraire de sociologie au
CNAM..
Certains sociologues considèrent que ses travaux appartiennent à la tradition classique de la
sociologie des organisations françaises, aux côtés de l'analyse stratégique de Michel Crozier dont il
s'inspire très largement. Il publie notamment Les syndicats en France (Le Seuil, 1963), Conflits du travail et changement social (Puf, 1978) en collaboration avec Gérard Adam, Sociologie des conflits du travail (Puf, 1982) et cet ouvrage Les règles du jeu en 1987, qui sera réédité plusieurs fois.
Cet ouvrage est le fruit de son expérience et constitue la théorisation d'un long travail de
terrain. Il porte sur la nature et le fonctionnement des règles sociales. Reynaud tente d'y élaborer un
modèle théorique qui se centre autour de la notion de règle. En effet, la théorie de la régulation sociale, présentée dans cet ouvrage, propose d'éclairer comment
l'action collective peut s'élaborer, se stabiliser ou évoluer et en quoi la régulation va être essentielle.
Reynaud appréhende la régulation comme « une opération par laquelle se constitue une communauté autour d'un projet créateur de sens ».
Cette oeuvre n'est pas subdivisée en partie mais en neuf chapitres, d'égale importance. Cette subdivision illustre la méthode de travail originale de l'auteur. En effet, chaque chapitre se présente comme une étape dans la construction de la théorie que l'auteur élabore. La version que nous avons étudiée comporte notamment ce que Reynaud appelle des « variations ». A la fin de certains chapitres, l'auteur prolonge ainsi sa réflexion «soit en remontant aux classiques, soit en regardant le reflet des mêmes problèmes dans une autre discipline ». Si certains auteurs qualifient cet ouvrage de « synthèse », c'est parce que l'auteur s'inspire et emprunte beaucoup à d'autres sociologues tels que Weber, Durkheim, Crozier, Boudon... Notamment, la théorie de la régulation sociale de Reynaud s'articule autour de concepts-clé de la sociologie tels que la règle, l'action collective, l'acteur collectif, le projet...
[...] En effet, on peut s'interroger sur une éventuelle confusion tant ce terme est utilisé dans de nombreuses disciplines, par exemple dans les sciences humaines et sociales, en psychophysiologie et en économie. Puisque Reynaud redéfinit cette notion comme un processus largement incohérent et incertain, par lequel des acteurs sociaux produisent et transforment des règles qui donnent sens à leurs actions collectives multiples (Claude Dubar), n'aurait-il pas fallu utiliser un autre terme ? Concernant l'emploi de la notion de projet, l'auteur lui accorde une place centrale dans l'ouvrage. [...]
[...] La pluralité d'acteurs collectifs fait exister et se maintenir les règles. 5 - La notion de régulation conjointe Pour comprendre cette notion il faut partir de la tradition sociologique qui distingue le système formel (ce qui est écrit dans les règlements intérieurs, les codes : logique externe qui est celle du coût et de l'efficacité) et le système informel (relations réelles : logique interne, logique des sentiments). L'auteur veut montrer que si ces deux logiques sont différentes et sont en relation directe d'opposition, elles ne s'opposent pas forcément (toutes deux visent la cohérence et le résultat) et qu'il faut au contraire aller dans le sens d'un régulation conjointe. [...]
[...] Il existe des systèmes ou des quasi-systèmes qui définissent l'ensemble de la société. (p.14) Reynaud indique lui-même dès le début de son ouvrage, être en contradiction avec les autres sociologues, qui dès l'origine cherchaient à montrer l'existence d'un système social, que ce soit ceux qui cherchaient les lois d'équilibre du système (Durkheim, Parsons ceux qui cherchaient à définir un processus historique (Marx ) ou encore ceux qui expliquaient les sous système comme des variantes ou des cas particuliers du système global (Parsons Il est important de noter que ce postulat est posé empiriquement (pour reprendre les termes de l'auteur), dès le début de l'ouvrage et qu'il réapparaît telle une trame tout au long de ce dernier. [...]
[...] La sanction ne se borne pas à renforcer directement la règle en punissant l'infraction, elle la renforce aussi indirectement en en faisant un critère de classement social. La sanction a pour effet d'abaisser le statut de l'individu dans le groupe où la sanction s'applique. Réciproquement, la conformité à la règle améliore le statut de l'individu. Le respect de la règle devient ici instrumental et le calcul se substitue progressivement à la contrainte. Le bénéfice atteint correspond à du prestige ou de l'honneur social. [...]
[...] Ici Reynaud s'éloigne de la conception durkheimienne de l'élaboration de la règle. Selon Durkheim, il est exclut qu'une règle soit un compromis entre des groupes rivaux dont les intérêts divergent. L'élaboration de la règle se fera grâce à la renaissance de la corporation comme institution commune aux patrons et aux ouvriers. Comment ces règles sont-elles modifiées ? Les règles ne sont pas données une fois pour toutes et elles ne sont pas immuables. Cependant, on ne les change pas sans effort. [...]
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