Jacques Ion, sociologue, est chargé de recherches au CNRS et travaille au CRESAL, laboratoire commun aux universités de Saint-Étienne et Lyon 2. Il s'intéresse particulièrement à l'analyse concrète des formes de groupements et aux pratiques de l'intervention sociale. Cet ouvrage porte principalement sur cette dernière dimension, bien que des références soient faites à l'analyse des mobilisations.
J. Ion est l'un des premiers sociologues à analyser le changement au sein des politiques sociales. Il note que les dispositifs mis en place dans la décennie 80 (Développement Social des Quartiers (DSQ), Zone d'Education Prioritaire (ZEP), Mission Locale…), outre leur caractère décentralisé et expérimental du début, sont d'abord « territorialisés », c'est-à-dire qu'ils s'appliquent à un territoire censé constituer un espace spécifique cohérent d'intervention pouvant se substituer aux découpages administratifs existants.
Il opère une analyse des conditions de mise en œuvre d'une politique publique dans lesquelles se transforment et deviennent opérantes les normes de l'action publique. Au croisée de la sociologie sur le changement et du travail, il s'intéresse à « la mise en pratique sur le terrain de (…) la gestion territorialisée du social » (p 16), en faisant le choix de ne pas définir a priori les dispositifs d'insertion pour analyser ses modalités. Il se livre ainsi à une « radiographie des évolutions en cours dans les métiers et les institutions du social » (p 18).
A partir d'une méthode empirique (enquêtes menées en 1994), J. Ion cherche à comprendre en quoi la mise en place des nouveaux dispositifs « aboutit à recomposer le paysage institutionnel et professionnel du travail social » (p14).
[...] (p142) Au niveau de la société civile ensuite, l'auteur note le paradoxe suivant : les nouveaux dispositifs appellent à un retour à la société civile or celle-ci se dérobe : la mobilisation de la population disparaît sur les territoires concernés car les couches supérieures et moyennes, initiatrices d'équipements sociaux et culturels, ont peu à peu rejoint les quartiers neufs. D'après J. Ion, les travailleurs sociaux ne peuvent alors plus compter sur la population locale. Ainsi s'opère une perte de sens pour les travailleurs sociaux, c'est la fin de ce que J. Ion nomme le mythe éducatif c'est-à-dire la fin des grands récits mobilisateurs et d'une vision à long terme. [...]
[...] Par ailleurs, il existe de multiples oppositions : entre professionnels, qui représentent la catégorie de population marginalisée, et les élus, représentants de l'intérêt général ; entre professionnels de culture de métiers différentes, entre institutions concurrentes aussi. Enfin la concertation s'accompagne d'une remise en question des qualifications professionnelles car la mise en place de nouveaux dispositifs implique de travailler sur un pied d'égalité avec d'autres partenaires parfois non-spécialistes. Les professionnels du travail social peuvent donc ressentir un sentiment de dévalorisation. Toutefois, l'auteur affirme que La mise en place des structures de concertation ( ) ne tiennent pas à la mauvaise volonté des participants, mais à des processus et des situation de nature institutionnelle. 74). [...]
[...] Le mode d'intervention induit par la gestion sociale territorialisée remet en cause le modèle professionnel (au sens de savoir-faire spécifiques et de représentations de référence qui leur donnent signification). Ainsi J. Ion construit deux idéaux-type concernant les types d'intervention. Il décrit tout d'abord le mode d'intervention partagé par la majorité des travailleurs sociaux : les professionnels sont autonomes par rapport à leurs décisions et aux autres institutions et les interventions sont fondées sur un principe éducatif (individualisées, pensées sur le long terme, avec une analyse des besoins, de la personnalité Le mode d'intervention des nouveaux dispositifs induit des actions décidées et contrôlées par l'instance politique, concertées entre plusieurs institutions et intervenants, y compris non-professionnels, à court terme (notion de projet), sur une population dite cible et enfin largement médiatisées. [...]
[...] La mobilisation dépend aussi, plus que du métier (éducateur vs animateurs socioculturels du clivage entre fonctionnels (travaillant en bureaux) et territoriaux (travaillant sur le terrain), entre ceux qui sont à l'arrière et ceux qui sont au front dira-t-il dans son ouvrage suivant le travail social au singulier Cela dépend aussi de la capacité à s'affranchir de son espace journalier. De plus, J. Ion remarque que l'implication est plus forte aux deux extrémités de la hiérarchie, car les cadres intermédiaires craignent une perte de pouvoir. Enfin les plus anciens, et donc en situation de monopole, semblent moins participer que les nouveaux entrants. Concernant les élus, ils ont tardé à s'investir totalement pour des raisons telles que la prudence, les conflits de compétences, les moyens disponibles L'implication passe aussi par la volonté de travailler en commun, la concertation. [...]
[...] Les nouveaux dispositifs influencent donc les modèles professionnels, ils supposent aussi une redéfinition des rapports entre les salariés et les élus et la société civile. Les nouveaux dispositifs, la société civile et le pouvoir local Au niveau du pouvoir local tout d'abord, J. Ion constate de nouveaux rapports entre les élus et les techniciens. Une concurrence s'opère dans la représentation : les travailleurs sociaux, représentants des laissés pour compte sont concurrencés par les élus, qui par les nouveaux dispositifs interviennent directement dans la gestion des problèmes des clientèles habituelles du travailleur social. [...]
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