Michel de Certeau L'invention du quotidien
Quatrième partie « Usages de la langue »
Pour Michel de Certeau, la culture populaire importe plus que la culture savante, car il existe une « prolifération disséminée » de créations anonymes qui font vivre et ne se capitalisent pas dans le temps. Ainsi, il va esquisser une théorie des pratiques quotidiennes pour sortir de leur rumeur les « manières de faire » qui sont majoritaires dans la vie sociale mais ne figurent souvent qu'à titre de résistances par rapport au développement de la production socioculturelle. Il va évoquer les « ruses des consommateurs qui composent le réseau d'une antidiscipline », antidiscipline qui sera le sujet de ce livre, en écho et en opposition à l'oeuvre de Foucault Surveiller et Punir.
[...] Le texte n'a de significations que pour ses lecteurs, il change et s'ordonne avec eux selon des codes et des perceptions qui lui échappent. La lecture se retrouve donc dans un rapport de force (qu'il soit entre maître et élèves ou entre producteurs et consommateurs) dont elle devient l'instrument. La lecture se retrouve à la conjonction d'une stratification sociale (des rapports de classe) et d'opérations poétiques (une construction du texte par son pratiquant) : une hiérarchisation sociale travaille à conformer le lecteur à l'information distribuée par une élite. [...]
[...] Il compare alors ces derniers à des « braconniers » sur les terres des producteurs qui vont évoluer dans le réseau imposé tout en réformant leur avancée dans le quotidien. Comme vu dans l'introduction, la lecture tient une grande place dans l'œuvre de Michel de Certeau, c'est un aspect partiel de la consommation culturelle, mais néanmoins fondamental, nous allons nous y intéresser à présent. Dans la société industrielle, les liens entre production et consommation peuvent se transposer à ceux entre écriture et lecture. [...]
[...] La voix du Peuple a été réarticulée sur l'écriture par l'école. Aujourd'hui, la voix est l'imitation de ce qui est produit et reproduit par les médias (« la copied'un artefact ») car une fois enregistrée et gravée, elle peut être entendue partout grâce à ces médias (radio, télévision, disques . La voix n'est plus pure, car elle est toujours déterminée par un système, qu'il soit familial ou social et codifiée parune réception. Il n'existe d'ailleurs plus une Voix pour une culture propre car l'oralité s'imbrique dans le réseau d'une économie scripturaire. [...]
[...] Cependant, l'énonciation ne peut être séparée de l'énoncé. Cette énonciation déplacée nous ramène à l'herméneutique qui vise à introduire dans le langage la voix du peuple. Pour Michel de Certeau, l'oralité sauvage représentée par les mythes ou les fables doit s'écrire dans le discours ethnologique (conformes à ce qu'attend le peuple occidental), cette action nécessite deux conditions : un objet, la fable et un instrument, la traduction. La fable doit attendre l'étude savante pour que soit rendu explicite ce qu'elle dit de façon implicite, il y a donc domination scripturaire car la recherche se donne ellemême une place et une nécessité ; la traduction quant à elle se perfectionne au cours des années et permet le passage d'une langue à l'autre. [...]
[...] Aujourd'hui, ce phénomène concerne des produits à consommer offerts par la distribution de masse alors qu'auparavant il s'agissait de vérités dogmatiques à croire et de leurs rites de célébration à suivre. Les mécanismes de résistance sont donc les mêmes d'une époque à l'autre. Michel de Certeau a une grande confiance dans l'intelligence et dans l'inventivité du plus faible, ainsi sa position pourrait se résumer dans la citation suivante : « il est toujours bon de se rappeler qu'il ne faut pas prendre les gens pour des idiots ». [...]
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