« Les rapports de l'homme avec la nature sont infiniment plus importants que la forme de son crâne ou la couleur de sa peau pour expliquer son comportement et l'histoire sociale qu'il traduit », écrit dans un article publié en 1962 , André-Georges Haudricourt, ethnologue et botaniste.
Dans la même lignée, Alain Supiot, dans Homo Juridicus, propose une analyse de ce qu'il appelle la ‘fonction anthropologique du droit' et cherche à s'efforce de montrer comment l'existence du droit implique une certaine vision du monde et comment il se trouve, aujourd'hui comme il l'a souvent été par le passé, au cœur d'enjeux de premier ordre. Ce docteur d'État en droit et agrégé des facultés de droit (1980), licencié de sociologie (1972), est aujourd'hui professeur à l'université de Nantes. Il a également fondé dans cette ville la Maison des sciences de l'Homme Ange Guépin, qui promeut une approche transdisciplinaire des transformations du lien social. Par ailleurs, il participe, en lien avec Pierre Legendre, dans la lignée duquel il s'inscrit, au défrichage de la dimension anthropologique du Droit et contribue, dans ses derniers travaux, à explorer le champ de l'anthropologie dogmatique.
L'ouvrage se présente comme une tentative qui vise de redéfinir le « rôle du droit » dans un monde en mutation sous l'emprise conjointe de l'économie de marché et du développement des technologies de la communication. Le Droit est le texte où s'écrivent nos croyances fondatrices : croyance en une signification de l'être humain, en l'empire des lois ou en la force de la parole donnée. L'auteur définit le lien juridique comme une structure fondamentale de toute société. Le lien juridique unit les hommes entre eux et constitue les fondements de la société dans la mesure où l'aspiration à la justice est une donnée anthropologique commune à tous. Le droit s'impose comme médiateur entre les hommes et la société et permet ainsi de la prémunir contre les conflits. Le Droit est aussi une technique qui permet de s'adapter aux divers changements de la société, et aux évolutions politiques ou scientifiques. Mais c'est une « technique de l'Interdit », qui interpose dans les rapports de chacun à autrui et au monde un sens commun, un univers symbolique qui le dépasse et l'oblige dans le sens où les actions de tout individu doivent s'inscrire dans cet univers de symboles.
Finalement, si le droit repose sans conteste sur un certain nombre de croyances indiscutables (I), il apparaît que les modifications récentes des structures des sociétés occidentales, et notamment le déclin de l'État, constituent une menace à cette nature dogmatique et au socle de valeurs fondamentales qui la sous-tendent (II). Dans cette mesure, il apparaît nécessaire de considérer le droit comme une technique, qui permet notamment de se prémunir contre les dangers que représentent certaines formes de ‘progrès' humain. (III)
[...] Cette seconde solution est aujourd'hui insuffisante, tant l'État fait figure d'obstacle aux échanges sur la scène internationale, et des institutions nouvelles lui disputent son rôle de Garant. Cette évolution engendre des modifications profondes des structures de la société occidentale et de la conception du Droit notamment, qui peuvent se révéler dangereuses. En effet, le risque qui se dessine de plus en plus distinctement est celui de voir les individus conformer leurs comportements aux seuls résultats d'un calcul rationnel d'utilité. L'économisme et le contractualisme d'une part, et les théories de la gouvernance d'autre part, contribueraient ainsi à lier les individus à leurs seuls intérêts privés Les dangers de l'économisme et du contractualisme en matière de Droit Aujourd'hui, beaucoup cherchent à démontrer l'existence d'une véritable science du Droit Pour Alain Supiot, ils commettent ainsi l'erreur de refouler hors de cette science toute prise en considération des valeurs qui sous-tendent les normes qu'ils étudient. [...]
[...] Or, l'Occident impose sa conception des Droits de l'Homme, selon trois types de fondamentalismes. Les trois figures du fondamentalisme occidental Le fondamentalisme est une doctrine originaire de l'Amérique du XIXe siècle, et se définissait par la défense d'une interprétation littérale des Ecritures Aujourd'hui on parle du fondamentalisme islamique, qui ne prend en compte dans les sources de Droit que les textes sacrés. Le fondamentalisme peut prendre différentes formes : Le Messianisme qui se caractérise par la volonté de l'Occident de chercher à diffuser et à imposer une interprétation littérale des Droits de l'Homme, qui forment un nouveau Décalogue L'égalité juridique pose que les êtres ne sont pas substituables alors qu'une interprétation littérale de l'égalité entraîne la considération des individus comme des êtres non identifiables, interchangeables Ce fondamentalisme est messianique car il y a une volonté d'exportation des Droits de l'Homme. [...]
[...] L'étude de la dogmatique» du Droit que propose A. Supiot dans cet ouvrage s'inscrit dans la lignée de Pierre Legendre. Elle écarte toutes les conceptions technicistes du fait juridique pour le considérer comme un des meilleurs outils pour déceler nos croyances les plus profondes, autrement dit comme le support d'une véritable réflexion anthropologique. Ainsi, l'auteur affirme : Le Droit n'est pas l'expression d'une Vérité révélée par Dieu ou découverte par la Science ; il n'est pas davantage un simple outil qui pourrait se juger à l'aune de l'efficacité. [...]
[...] Il y a donc bien une valeur commune qui est le Droit de l'enfant d'être traité en tant qu'enfant, c'est-à-dire avec ses besoins et ses capacités propres. Par ailleurs, il faut noter que c'est l'Afrique qui a le mieux intégré les Droits de l'Homme dans ses sociétés avec la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981. Les valeurs sont reprises, tout en étant replacées dans le contexte propre au continent africain. La perception de l'Homme est différente, puisque son identité provient de son appartenance à des communautés. [...]
[...] Ce n'est pas le cas de la Cour internationale des Droits de l'Homme, qui est sous l'influence des relations économiques. Le Droit doit donc être ouvert à l'interprétation afin qu'un accord entre les différents états mondiaux sur des valeurs communes soit possible. Dans Homo juridicus, Alain Supiot examine les relations entre les membres de la société et le Droit. Il soutient notamment les Droits de l'Homme sont le mode d'intégration de la justice dans la société. Cependant ces valeurs sont celles de l'Occident, et il faut donc être sensible aux valeurs étrangères. [...]
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