"Tout individu plongé dans une pluralité de mondes sociaux est soumis à des principes de socialisation hétérogènes et parfois même contradictoires qu'il incorpore." Cette affirmation, sous forme de théorème d'Archimède sociologique, exprime la thèse principale soutenue par Bernard Lahire dans son œuvre L'homme pluriel.
Né à Lyon en 1963, l'auteur est actuellement Professeur de sociologie à l'École Normale Supérieure de Lyon. Directeur de la collection « Laboratoire des sciences sociales » aux Éditions La Découverte depuis 2002, il a publié à ce jour une quinzaine d'ouvrages.
Dans le monde académique, L'homme pluriel est reconnu pour être l'une des meilleures discussions des théories bourdieusiennes. Pourtant, réduire l'œuvre à une simple critique de Bourdieu, c'est passer à côté de nombreux aspects de la démarche de l'auteur, pourtant riche d'enseignements. Le livre comprend ainsi deux dimensions principales : d'une part, la défense de la pluralité de l'acteur ; plus qu'une simple critique, il s'agit d'une théorie de l'action à part entière. D'autre part, l'œuvre apparait comme un prétexte utilisé par l'auteur pour défendre sa conception de la discipline, et plaider pour une sociologie renouvelée. La défense de la pluralité prend alors sens sur plusieurs plans : pluralité de l'acteur, pluralité de l'action, mais aussi pluralité des outils d'analyses.
En quoi l'œuvre de Bernard Lahire est-elle riche d'enseignements à tous les niveaux (théorique, empirique et académique) ? Pourquoi faut-il, selon Bernard Lahire, défendre la pluralité dans toutes ces dimensions?
[...] Avant toute chose, il est bon de rappeler les grandes lignes de cette théorie. On pourrait la résumer par cette citation de Bourdieu : "Le monde social traite le corps comme un pense-bête". Ainsi, pour le sociologue, le monde social existe deux fois : une première fois dans la réalité objective, une deuxième fois à l'état incorporé dans les corps et les esprits de des sujets sociaux. Le corps est dans le monde social, mais le monde social est dans le corps sous forme de posture corporelle, de schèmes de pensées et d'appréciation qui sont acquis lors de la socialisation et reflètent les structurent objectives de la société. [...]
[...] Il ouvre également, par exemple, des perspectives pour rompre avec une vision trop formaliste de la littérature qui a tendance à envahir le secondaire. Ces investigations empiriques constituent alors un deuxième niveau d'enseignement, très concret, de l'œuvre. Ils sont pour finir l'occasion pour Bernard Lahire de rappeler que tout objet d'étude est susceptible d'intéresser le sociologue, et qu'il est bon de chercher à innover en étudiant des choses aussi insolites (en apparence) que les pratiques ordinaires d'écritures. III. Un plaidoyer pour une sociologie renouvelée A. [...]
[...] C'est le cas par exemple lorsqu'il insiste sur l'aspect expérientiel de la lecture et plaide pour une sociologie de la littérature prenant cette dimension en compte. On peut encore citer le passage du livre où il explique que le sociologue, dans la relation d'entretien, doit mettre en place un contexte approprié qui permette à l'individu la mobilisation des schèmes qui intéressent le chercheur (par exemple, interroger l'instituteur dans sa salle de classe). Il montre ainsi que son œuvre n'a pas vocation à rester sur le plan théorique, mais à s'appliquer à des cas réels pour décrire efficacement les logiques sociales. [...]
[...] Il convient alors de renouer le contact entre les deux disciplines afin de refonder la sociologie de l'action sur des bases plus solides, et non sur des postulats aujourd'hui dépassés. Cette précision nous rappelle encore une fois le nécessaire décloisonnement des sciences sociales. La démarche de l'auteur, malgré les faiblesses que nous avons évoquées plus haut, nous paraît sur ce point extrêmement riche et intéressante. B. Le rôle des exemples Si le discours de Bernard Lahire est apparemment très théorique, il s'appuie cependant sur de nombreux exemples. Cette attention particulière à la validation empirique rend la lecture agréable et claire. [...]
[...] C'est donc l'objet d'étude le plus difficile à appréhender en sciences sociales. La métaphore du pli qu'il utilise permet de bien comprendre cette conception des choses. "Si l'on se représente l'espace social dans toutes ses dimensions ( . ) sous la forme d'une feuille de papier ( . ) alors chaque acteur est comparable à une feuille froissée." En effet, chaque acteur se caractérise par la multiplicité des mondes sociaux qu'il a traversés et des logiques sociales qu'il a incorporées. [...]
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