Dans ce texte extrait de « Idéologie et Mentalités » (1982) Michel Vovelle cherche à montrer que l'historien marxiste longtemps cantonné dans le domaine de l'économique et des structures sociales (« la cave ») est aussi apte que n'importe quel autre historien même non-marxiste à se pencher sur les territoires plus complexes de l'histoire religieuse, des mentalités et des sensibilités (« le grenier »). L'historien marxiste se trouve même « directement interpellé » (l. 5) par l'histoire des mentalités qui lui offre l'occasion de se libérer de schémas trop rigides et permet une traduction historienne des analyses du théoricien Antonio Gramsci (1891-1937). Le succès de cet « itinéraire de la cave au grenier » auprès des historiens marxistes comme non-marxistes conduit Michel Vovelle à s'interroger sur le pourquoi de ce « mouvement collectif » (l. 11-12). Selon lui le colloque de Saint Cloud de 1965 et la joute qu'il suscite entre l'approche marxiste de Labrousse d'une part et l'approche institutionnelle de Mousnier (1907-1993) d'autre part sont à l'origine d'un « détour bénéfique » (l. 25) : les historiens conscients des limites de la procédure méthodologique labroussienne qui impose une hiérarchie causale se retrouvent dans l'obligation de « ruser pour progresser » (l. 24) en utilisant différemment leurs matériaux statistiques afin de dépasser la simple analyse des structures sociales. Néanmoins ils conservent les problématiques et les méthodes qui avaient assurer le succès de l'histoire socio-économique des années cinquante : « Sans renoncer à leurs méthodes d'approches ni à leurs hypothèses de travail » (l. 25-26).
S'attaquer à l'histoire des mentalités alourdie le « cahier des charges » (l. 30) de l'historien marxiste dans le sens ou elle rend l'exigence d'une restitution, d'un ensemble, d'une cohérence à la fois plus difficile et plus exaltante. Ainsi, pour ne pas tomber dans la caricature du mécanisme ou du réductionnisme dans laquelle on essaye souvent de l'enfermer l'historien marxiste se doit d'envisager une complémentarité entre les concepts rivaux d'idéologie et de mentalité tout en tenant compte des limites de celle-ci. Il doit donc dépasser l'idéologie au sens marxiste du terme pour accéder à ce qui n'est pas formulé, ce qui reste apparemment insignifiant comme ce qui demeure très enfoui au niveau des motivations inconscientes : « cette vision du monde dont parlait Robert Mandrou » (l. 49-50) et que Michelle Vovelle considère comme étant la définition de la notion de mentalité. Mais il doit garder à l'esprit que cette complémentarité à des limites et que faire abstraction de l'autonomie du mental ainsi que de son irréductibilité par rapport à l'économique conduiraient à « une lecture laxiste » (l. 60).
[...] A partir de ce moment, Labrousse voit arriver à lui toute une génération qu'il engage aussitôt dans des monographies régionales qui doivent attester de la validité de son modèle. Toutefois, la joute entre l'approche marxiste et l'approche institutionnelle révèle au grand jour les limites du modèle labroussien Une querelle qui eut pu être stérilisante et qui sans doute le fût en partie figeant l'initiative l.22-23) qui imposent une hiérarchie causale : désormais l'ordre des dépendances s'articule sur le fait historique primaire que constitue l'évolution économique. [...]
[...] 30) de l'historien marxiste dans le sens ou elle rend l'exigence d'une restitution, d'un ensemble, d'une cohérence à la fois plus difficile et plus exaltante. Ainsi, pour ne pas tomber dans la caricature du mécanisme ou du réductionnisme dans laquelle on essaye souvent de l'enfermer l'historien marxiste se doit d'envisager une complémentarité entre les concepts rivaux d'idéologie et de mentalité tout en tenant compte des limites de celle-ci. Il doit donc dépasser l'idéologie au sens marxiste du terme pour accéder à ce qui n'est pas formulé, ce qui reste apparemment insignifiant comme ce qui demeure très enfoui au niveau des motivations inconscientes : cette vision du monde dont parlait Robert Mandrou (l. [...]
[...] Conclusion L'historien marxiste qui s'engage dans l'histoire des mentalités est confronté à un certain nombre de problèmes auxquels il doit faire face sous peine de faire défaut à l'exigence que demande l'histoire des mentalités et d'être taxé de laxisme. Il doit entre autre utiliser les concepts rivaux d'idéologie et de mentalité de façon complémentaire pour dépasser l'analyse des simples structures sociales et accéder aux mentalités. Cependant il doit garder à l'esprit que ces deux notions ne sont pas toujours compatibles puisque le mental est autonome et irréductible au seul facteur économique. [...]
[...] par l'histoire des mentalités qui lui offre l'occasion de se libérer de schémas trop rigides et permet une traduction historienne des analyses du théoricien Antonio Gramsci (1891- 1937). Le succès de cet itinéraire de la cave au grenier auprès des historiens marxistes comme non-marxistes conduit Michel Vovelle à s'interroger sur le pourquoi de ce mouvement collectif (l. 11-12). Selon lui le colloque de Saint Cloud de 1965 et la joute qu'il suscite entre l'approche marxiste de Labrousse d'une part et l'approche institutionnelle de Mousnier (1907-1993) d'autre part sont à l'origine d'un détour bénéfique (l. [...]
[...] De 1989 à 1993 il occupe la chaire d'histoire de la Révolution française et dirige l'Institut de la Révolution française succédant à Albert Soboul. Par ailleurs il assume les charges officielles dans le cadre de la célébration du bicentenaire de la révolution française (1989). Michel Vovelle fait partie de la troisième génération des historiens annalistes acteurs de la nouvelle histoire : il appartient à cette génération d'historiens qui avaient 20 ans dans les années 50 et qui souhaitant s'engager sur les voies d'une histoire marxiste et plus largement d'une histoire sociale étaient attirés par cette approche labroussienne d'une histoire qui compte mesure et pèse Ainsi, il revendique davantage la paternité de Labrousse que de Braudel mais ne cache pas son appartenance au courant marxiste bien au contraire. [...]
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