Dans Les passions et les intérêts, A. Hirschman part du constat de l'échec des sciences sociales dans l'étude des conséquences politiques de la croissance économique, et, d'autre part, l'impact négatif de celle-ci (aliénation, anomie, lutte des classes, guerres...), généralement constatée dans les différents régimes (capitalisme, socialisme, mixte). En renonçant à la spécialisation qui sépare science économique et politique, l'auteur se propose d'analyser le passage au capitalisme moderne comme résultat de l'action de facteurs endogènes, et non-exogènes comme l'ont pensé Weber ou Marx. En effet, l'expansion du commerce et de l'industrie, au cours des 17e et 18e siècles, aurait été possible grâce à un courant d'idée qui s'est développé au cœur même des structures de pouvoir et des classes dominantes de l'époque, en réponse aux problèmes d'organisation politique que celles-ci rencontraient alors.
[...] Le postulat de départ d'Hirschman sur son interprétation de Weber apparaît donc critiquable puisqu'il lui prête des intentions qui semble ne pas avoir été les siennes. De même, il me semble que la critique principale qu'on pourrait adresser à Hirschman est de réaliser un grand travail d'histoire de la pensée. En effet, Les passions et les intérêts se donne pour objectif principal de renouveler la pensée économique, lui rappelant combien est précieuse la relecture des "anciens" à la compréhension de phénomènes contemporains afin d'éviter les redites et les prises de position bornées. [...]
[...] De plus, et peut-être surtout, ce paradigme de l'intérêt construit un nouvel ordre social : prévisibilité, car constance des actions des individus (l'efficacité est donc avant tout celle du gouvernement des hommes, devenus prévisibles). Et comme cette passion du commerce et de l'argent n'est pas dangereuse, l'intérêt matériel est rationnellement préférable aux autres intérêts (Cf. le doux commerce de Montesquieu). Ainsi le capitalisme s'élèverait historiquement contre les passions par le doux commerce Dans une seconde partie, A. Hirschman montre les espérances des philosophes quant aux conséquences de la croissance économique sur le politique. [...]
[...] Intitulée Comment, pour combattre les passions, on fera appel aux intérêts la première partie est une analyse des différents systèmes de la pensée économique. La seconde est consacrée aux auteurs qui, comme Montesquieu et James Steuart, ont le mieux approfondi ces idées clefs. Enfin, ces analyses conduisent l'auteur à une nouvelle manière de concevoir l'esprit du capitalisme et les conditions qui l'ont vu naître, puis à esquisser quelques réflexions sur les leçons que nous pourrions en tirer aujourd'hui. Il s'agit donc, dans un premier temps, de confronter "passions" et "intérêts". [...]
[...] Ainsi, des analyses récentes mettent en parallèle l'évolution économique et ses conséquences politiques quant au Tiers-monde, l'exclusion, l'environnement, les droits de l'homme, etc. Cependant, l'opposition de sa thèse avec celle de Weber comporte des limites. En effet, pour justifier sa thèse, Hirschman semble lui reprocher de surestimer l'influence des facteurs d'ordre culturel (exogènes) dans les processus de changement social. Mais Weber a-t-il réellement tenté de substituer une interprétation spiritualiste de la civilisation occidentale à d'autres types d'analyses (comme le matérialisme de Marx . [...]
[...] A partir de là, il faut déterminer quelles passions sont à même d'en dominer d'autres. Emerge alors la notion d'intérêt, qui vient de Machiavel dans son étude du pouvoir puis de la nature humaine, en même temps que celle de raison d'Etat, et contre les passions en général. Seulement ensuite cette notion prendra peu à peu un sens économique, et que l'on assimile encore à des pêchés mais désormais capables de réfréner certaines passions. Ainsi l'intérêt national est assimilé de plus en plus à l'abondance du pays. [...]
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