Publié en 1964 par les éditions de Minuit, Les Héritiers de Pierre Bourdieu et de Jean-Claude Passeron est un livre qui a le mérite de mettre en lumière les dysfonctionnements de l'Université, quatre années avant les événements de mai 1968. La date de publication est significative : à ce moment, l'Europe est en mutation, et les exigences de la croissance demandent une ouverture de l'Université, ainsi qu'un accès des femmes à tous les niveaux de la vie active.
Ce livre est le premier ouvrage que Bourdieu a consacré à l'analyse du système d'enseignement. Il s'agit d'un essai fondé sur un ensemble d'enquêtes réalisées auprès des étudiants des facultés de lettres, au début des années 1960, sur des statistiques fournies par l'INSEE et le BUS, et sur des études monographiques ou des pré-enquêtes. Dans l'avertissement, Bourdieu et Passeron expliquent que les étudiants en lettres ont une importance primordiale dans leurs analyses car « ils réalisent de façon exemplaire le rapport à la culture que nous avons pris pour objet ». Cet ouvrage a pour but de démontrer qu'en fonction de leur origine sociale, les étudiants n'ont pas tous les mêmes facilités d'accès à la culture et donc pas les mêmes chances de réussite scolaire. Bourdieu et Passeron vont ainsi mettre en évidence, par-delà l'influence des inégalités économiques, le rôle de l'héritage culturel, capital subtil fait de savoirs, de savoir-faire et de savoir-dire, que les enfants des classes favorisées doivent à leur milieu familial et qui constitue un patrimoine d'autant plus rentable que les professeurs et étudiants répugnent à le percevoir comme un produit social.
[...] En outre, les enseignants sont moins uniformes et homogènes que Bourdieu et Passeron ne le disent : ils n'ont pas tous le même point de vue pédagogique ni la même pratique. Du point de vue d'un cours de Méthode des sciences sociales, cet ouvrage est intéressant à plus d'un titre. Premièrement, Les Héritiers constituent une première approche de la méthode sociologique de Pierre Bourdieu, incontestablement l'un des plus grands sociologues. En effet, pour celui-ci, la sociologie consiste à révéler des choses cachées, dont les individus ne sont pas conscients ; elle cherche à révéler des régularités de fonctionnement du social, elle cherche les causes profondes des phénomènes. [...]
[...] En 1975, il crée sa propre revue, Actes de la Recherche en sciences sociales. En 1979, il publie ce qui restera son texte majeur, La Distinction, critique sociale du jugement. Il devient, en 1982, professeur au Collège de France. La même année, il publie Ce que parler veut dire. Au début des années 90, Bourdieu se tourne vers la pratique politique. En effet, à partir de 1993, il s'implique dans le soutien aux intellectuels algériens. La même année, il obtient la médaille d'or du CNRS. [...]
[...] De sociologue, il est devenu un écrivain engagé fustigeant le néolibéralisme. Il publie Sur la télévision en 1997, Contre-feux et La domination masculine en 1998, Les structures sociales de l'économie en 2000, Contre-feux 2 en 2001. Pierre Bourdieu meurt d'un cancer le 23 janvier 2002 à Paris. Le second auteur des Héritiers, Jean-Claude Passeron est né en 1930 à Nice. Après des études de philosophie, il dirige à Marseille le Centre d'études et de recherches sur la culture, la communication, les modes de vie et la socialisation. [...]
[...] En outre, Bourdieu a également développé le principe de la violence symbolique qui nous intéresse particulièrement puisqu'elle est au cœur du livre Les héritiers. En effet la violence symbolique correspond à l'imposition de la culture de la classe dominante à travers les agents socialisateurs et en particulier l'Ecole. Ainsi, le système scolaire n'est nullement un appareil neutre au service de la culture et de la République. Les enseignants contribuent (inconsciemment) à transmettre les normes et valeurs de la classe dominante. L'Ecole reproduit la structure sociale, processus qui marche d'autant mieux qu'il est masqué. [...]
[...] D'ailleurs, ce défaut est reconnu par les auteurs eux-mêmes page 13, concernant le tableau des chances scolaires selon l'origine sociale (1961- 1962) : ils admettent en effet que les catégories socio-professionnelles des parents agriculteurs et patrons de l'industrie et du commerce sont de pures catégories statistiques comprenant des groupes sociaux forts divers et ajoutent qu' une lecture prudente du tableau veut donc qu'on s'attache de préférence aux catégories les plus homogènes N'est-ce pas reconnaître implicitement la non-pertinence de ces catégories par rapport à la réalité et le recours à des simplifications qui, peut-être inévitables, n'en demeurent pas moins regrettables ? Si l'on s'intéresse plus précisément à l'analyse faite par les deux auteurs en fonction des données dont ils disposent, quelques remarques s'imposent. D'abord, le raisonnement de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron n'est- il pas un peu trop déterministe ? S'ils précisent que l'influence de l'inégalité de l'origine sociale n'emprunte pas les voies d'un déterminisme mécanique c'est néanmoins l'impression d'individus enfermés dans leur classe sociale qui transparaît. [...]
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