L'oeuvre de Nathalie Heinich, qu'elle qualifie elle-même de « sociologie de la singularité » - désignation que nous serons amenés à définir et expliciter lors de l'analyse du protocole d'étude ? s'attache avant tout à explorer et comprendre le monde artistique, c'est-à-dire à dégager la spécificité singulière de chacun de ses maillons, qu'il soit justement à l'origine de ce « monde » (statut de l'artiste), qu'il le diffuse ou le critique (position de l'éditeur, des critiques, des jurys de prix littéraires) ou plus encore qu'il en soit le « contemple » (lectorat, public).
Ainsi, que ce soit par le biais d'études sur les professions artistiques et les pratiques culturelles ? au travers d'un travail qu'il s'applique à étudier l'identité d'artiste, le statut d'auteur, le public des musées ou encore la problématique de la perception artistique ? ou de manière plus générale en théorisant le concept de l'Identité, Nathalie Heinich met en place, dans la majorité de ses oeuvres, une sorte de prisme sociologique qui tend à rendre compte des connections - aussi infinitésimales soit-elles - entre le sujet et l'art.
[...] APPORTS DE L'OUVRAGE :
Ce qui fait sans doute la particularité de l'étude de Nathalie Heinich c'est sa capacité à construire une sorte d'idéal type de l'écrivain par le biais de témoignages personnels et subjectifs. Si l'on pouvait s'attendre à une analyse très « scientifique » (entendons par « scientifique » les références perpétuelles aux statistiques), Nathalie Heinich montre que c'est avant tout en comprenant chacun, dans sa singularité donc, que l'on peut faire émerger un modèle dominant ? sans qu'il soit pour autant trop caricatural. Ainsi, en ne s'arrêtant pas à des considérations un peu trop disparates comme le niveau social des personnes interrogés, leurs sexes, âges, niveaux d'études (données dont elle a pourtant connaissance) ou plus encore en ne tombant pas, pourrait-on dire, dans des témoignages trop intimes (ce qui transformerait alors l'ouvrage en une suite de biographies), Nathalie Heinich arrive à mettre en exergue des trait récurrents qui s'intègrent dans une construction logique qui passe en revue la plupart des aspects de la vie (matérielle mais aussi spirituelle ? de par les aspirations) des écrivains. (...)
[...] Rappelons juste cette phrase de Nathalie Heinich : C'est que la création est aussi et de plus en plus à l'époque moderne création d'une identité, à la fois collective et individuelle : identité qui, en attestant la qualité de son auteur, contribue à attester la valeur de l'œuvre produite ; mais qui permet surtout de soutenir, dans la communauté d'un univers partagé, une recherche nécessairement singulière. BIBLIOGRAPHIE Sociologie de l'écrivain HEINICH Nathalie. Etre écrivain (création et identité). La Découverte (Armillaire) p. [...]
[...] LEMIRE Maurice et SAINT-JEAN Denis. Je me souviens in La vie littéraire au Québec Les Presses de l'Université Laval p. PROUST. Sur la lecture. Acte Sud p. SARTRE. Qu'est ce que la littérature Gallimard (Folio essais) p. [...]
[...] Par ailleurs, on remarque que ce sont souvent les écrivains eux-mêmes qui tentent de définir de manière consciente ou pas cette identité qui fait d'eux, justement, des écrivains. On pense tout particulièrement à Baudelaire. Les lettres qu'on a retrouvées de lui (et plus spécifiquement les lettres adressées à sa mère) montrent une véritable définition de l'écrivain. Si Baudelaire se reconnaît lui-même comme écrivain en se mettant littéralement en scène dans ses poème où il s'interpelle lui-même en se nommant poète, il ne semble pas avoir entendu ce que Heinich nomme la montée en objectivité pour acquérir (ou développer) cette face identitaire. [...]
[...] La critique se poursuit aussi par une mise en corrélation de l'acte religieux et de celui de l'écriture. Car si l'on parle d'inspiration (inspiration qui serait alors à la source de cette identité d'écrivain que la sociologue questionne), son origine reste inconnue. Nathalie Heinich parle alors d'une sorte de mysticisme athée d'un sentiment mystique (la création donnée par quelque chose qui est jugé supérieur avant de constater qu'à notre époque c'est avant tout un glissement vers l'intimité de l'inconscient qui est source d'inspiration. [...]
[...] Nathalie Heinich s'arrête d'ailleurs longuement sur cette critique. On pense pour illustration au Nouveau Roman à qui l'on reprocha de manquer d'inspiration et de trop chercher l'aspect travaillé du texte, ou, plus encore, comme elle le démontre, au mouvement romantique qui exalta l'inspiration (on peut penser à Victor Hugo, pour qui le poète est une sorte de guide un éclaireur auprès du lecteur) jusqu'à la césure avec Flaubert, après qui l'écriture est avant tout considéré comme un travail à part entière (bien que son aspect imaginatif et inspiré ne soit pas totalement dénigré). [...]
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