Interrogeant à la fois les discours savants et les mythes qui orientent notre regard sur les Autres, tel celui de « peuples premiers » qui seraient en harmonie avec la nature, cet ouvrage propose un regard anthropologique sur la façon dont les Occidentaux conçoivent leur propre place dans le monde.
Benoit de l'Estoile a choisit le musée comme lieu privilégié d'observation des représentations collectives, savantes et profanes de l'altérité. La mise en exposition est la traduction spatiale et sensorielle de conceptions explicites ou implicites, et elle offre une matérialisation de visions du monde. Prenant comme point d'entrée les mises en ordre de monde que réalisent musées et expositions, Benoit de l'Estoile a étudié l'évolution de l'appropriation des objets des Autres, du discours sur l'altérité et de son processus de construction et d'appropriation. Il pose la question du sens d'un musée des Autres dans un monde post-colonial où se redéfinissent les frontières entre le Nous et les Autres.
De l'objet d'ethnographie à l'objet d'art, il analyse tout le processus de transformation du discours muséal, depuis l'Exposition coloniale de 1931 jusqu'au Musée du Quai Branly, dont le projet et les questions qui l'entouraient ont été à l'origine de cet ouvrage.
[...] Il existe beaucoup de questions sans réponses à ce sujet. Les musées d'ethnographie jouent souvent sur la mise en scène artistique pour attirer le visiteur et encore une fois la frontière entre ethnologie, anthropologie et art, devient très floue. De nombreuses mises en scène de l'objet existent mais elles montrent l'objet le plus souvent comme venant d'un monde lointain, d'un monde qui s'inscrit dans le passé, alors qu'une autre voie apparaît qui veut montrer des mondes qui sont à la fois dans l'histoire , en relation les uns avec les autres, e marqués par la diversité. [...]
[...] Les objets des autres sont insérés dans un récit historique qui s'inscrit dans un projet de légitimation (p220). Les objets ne sont donc pas présentés pour eux-mêmes mais dans le cadre d'un récit de la Civilisation. Les objets des Autres ont été exclus de la définition des Beaux- Arts qui s'impose à partir de la Reconnaissance (p224) et n'y ont été admis qu'à la suite de profondes modifications de la définition de l'art depuis le siècle dernier. Ils font figure d'aperçu de la naissance de l'art chez les hommes et deviennent l'apanage d'une troupe d'artistes révolutionnaires du début du XXe siècle, dont certains deviendront des figures de référence dans l'art moderne tels que Picasso ou, après avoir été reconnus par de grands artiste tels que Gauguin et Van Gogh à a fin du XIXe. [...]
[...] L'enthousiasme avec lequel a été accueilli le dernier ouvrage de Benoît de l'Estoile, est révélateur, semble-t-il, de l'engouement qui accompagne aujourd'hui les travaux consacrés au regard porté par l'Occident sur l'Autre, à savoir ici le non-Occidental. Et nombreux sont ceux qui, unanimes, partagent l'idée que le travail de Benoît de l'Estoile vient combler une lacune . Ce livre représente un ouvrage incontournable dans le cadre de mes recherches pour mon projet de mémoire. Celui-ci porte sur le musée en tant que médiateur dans la lutte contre le trafic de biens culturels africains. [...]
[...] Les musées tendent aujourd'hui à l'universalisme pluraliste, et à une valorisation positive des objets des Autres, et tenir à distance les faces sombres de l'altérité. Face à cela, l'anthropologue devient un traducteur, qui doit traduire ce qu'il a acquis sur le terrain pour le rendre accessible à d'autres interlocuteurs dans son univers d'origine à la fois dans le monde savant et au-delà à un public plus large. Leur expérience de passeurs de mondes peut permettre aux anthropologues d'imaginer de nouvelles mises en exposition. [...]
[...] (p43) Les objets sont alors chargés d'une triple mission: exprimer à la fois les facultés artistiques attribuées à chaque race, servir d'indicateur de civilisation et valoriser l'action colonialiste. Pourtant, la mise en scène des autres évolue, à mesure qu'évolue la façon de voir les autres, mais aussi grâce aux intérêts économiques que représentent les colonies, dont les chefs pourraient s'offenser d'être représentés en barbares. L'Exposition redéfinit alors un nouveau Nous un Nous impérial et confronté aux autres groupes humains. Elle permet de saisir à quel point les perceptions des objets des autres et les discours à leur propos sont enracinés dans le terreau colonial. [...]
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