Economiste et sociologue, diplômé de l'Ecole polytechnique et de l'Ensae, Eric Maurin a été administrateur de l'INSEE. Il a également été membre du Comité d'orientation scientifique de l'association "A gauche en Europe" fondée par Michel Rocard et Dominique Strauss-Kahn. Il est actuellement directeur de recherche à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.
Dans Le Ghetto français, publié en 2004, Eric Maurin, s'appuyant sur les chiffres de l'enquête "Emploi" publiés annuellement par l'INSEE, analyse les tendances ségrégationnistes sévissant dans notre société. Il décrit ce qui,selon lui, constitue la cause principale de la fragmentation des villes, à savoir un phénomène d'évitement que l'on peut observer dans chaque groupe social et particulièrement chez les élites. Chaque classe sociale s'efforce de fuir la classe qui lui est immédiatement inférieure pour s'en distinguer. Eric Maurin insiste aussi sur l'importance du voisinage immédiat dans la construction de l'individu et plus précisément dans le parcours scolaire et le destin social. Enfin, il analyse les effets des différentes politiques sociales mises en ouvre depuis les années quatre-vingt pour lutter contre la ségrégation territoriale et propose, pour favoriser la mixité sociale, de nouvelles stratégies d'action mettant au centre l'individu plutôt que le lieu de résidence.
[...] Cette opération aurait-elle pour conséquence de tirer vers le haut les enfants défavorisés? Aurait-elle pour corollaire une diminution de la réussite des enfants issus de familles aisées? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre avec précision, faute de pouvoir isoler les différents facteurs d'influence auxquels sont soumis les individus. Plus encore que le lieu de résidence lui-même, ce sont les interactions sociales -elles-mêmes liées au lieu de résidence-, nous dit Eric Maurin, qui entrent en jeu dans la réussite ou l'échec scolaire des enfants. [...]
[...] Il préconise de miser sur l'enfance, de prendre en charge de manière précoce les enfants les plus défavorisés et de déployer plus de moyens pour ce public plus restreint. Selon lui, cette lutte acharnée contre les tendances ségrégationnistes économique mais également culturelle aura un effet multiplicateur. En d'autres termes, se fondant sur la primordialité du voisinage immédiat dans la construction de l'individu et le développement social de la personne, ce type de politique, se concentrant sur un nombre défini d'enfants, profitera de manière indirecte aux enfants voisins et, a fortiori, à la société tout entière. [...]
[...] Les personnes issues de l'immigration résident souvent dans les mêmes endroits. Le mécanisme d'évitement des classes inférieures opéré par chacune des classes conduit inéluctablement à l'enfermement social des enfants. D'abord, Eric Maurin souhaite que l'on évite l'écueil qui consiste à penser que ce sont le nombre et la qualité des infrastructures qui distinguerait les quartiers aisés des quartiers défavorisés. Il insiste sur l'importance capitale de la qualité du voisinage. Et c'est cette dernière qui détermine véritablement les inégalités d'environnement social dans lequel vont évoluer des enfants. [...]
[...] Alors que l'on a tendance à ne voir dans la ségrégation urbaine qu'une séparation nette entre une minorité de la population parquée dans des ghettos défavorisés et le reste de la population, Eric Maurin entend ici mettre l'accent sur la complexité du phénomène de ségrégation. Il souligne l'ampleur d'un mécanisme d'évitement par chaque classe sociale de la couche qui lui est immédiatement inférieure. On assiste ainsi à une "ghettoïsation par le haut", la classe supérieure souhaitant se démarquer des classes moyennes et intermédiaires, elles-mêmes fuyant les classes populaires et ainsi de suite. Et cela se vérifie dans le choix du lieu résidentiel. [...]
[...] Le ghetto français, c'est "le théâtre sur lequel chaque groupe s'évertue à fuir ou à contourner le groupe immédiatement inférieur". Sur l'importance du voisinage immédiat : On se "dispute" des territoires non pas pour des espaces plus sûrs mais pour des statuts, des destins, des voisins. Il faut prendre en compte l'importance du voisinage immédiat et des interactions sociales sur le devenir. "La ségrégation et le déficit de mixité sociale contribuent réellement à enfermer chacun de nous dans un destin écrit à l'avance". [...]
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