Dans Le ghetto français, l'économiste Eric Maurin réutilise des enquêtes statistiques et économétriques françaises (INSEE notamment) et internationales (en particulier américaines) afin d'étudier « le séparatisme social » en France c'est-à-dire la ségrégation territoriale française. Son objet d'étude se borne plus spécifiquement à la ségrégation résidentielle. Celle-ci peut être entendue comme le lien entre une ségrégation sociale, soit un manque d'interaction entre des groupes sociaux, et une ségrégation proprement géographique, soit l'inégalité de répartition de ces mêmes groupes sociaux dans l'espace physique. Selon l'auteur, quatre enseignements peuvent être tirés des résultats de ces enquêtes.
[...] Les marchés du logement et du crédit, en raison de la montée des prix, ne sont alors plus accessibles à une partie moins aisée de la population. Ne pouvant plus lutter pour le territoire, cette population est mécaniquement reclassée dans une partie de l'espace moins fortement doté en capital culturel et économique. Deuxièmement, Eric Maurin voit ce déclassement résidentiel comme un phénomène résiduel, par défaut ; c'est-à-dire que si la ségrégation choisie et communautaire existe, elle n'explique en tout cas plus pour lui aujourd'hui le profond cloisonnement du sol français. [...]
[...] Ce qui est positif pour l'agenda international et national qui croient aux vertus de la mixité sociale, mais qui n'empêche pas à la situation française de demeurer complexe. Selon Maurin, les politiques urbaines en France ne s'attaquent pas aux motivations du vouloir vivre entre soi elles ne saisissent pas le bon niveau, en se limitant au niveau municipal, alors que la ségrégation peut très bien apparaître dans l'infra communal, d'un quartier à l'autre, voire d'un bloc à un autre. Fort de cela, il propose de tirer les leçons des études, qui tendent à montrer que des moyens massivement dirigés sur la petite enfance et les jeunes adultes, aussi bien en matière de logement, d'éducation ou de santé peuvent conduire à des résultats significatifs. [...]
[...] Pour Eric Maurin, c'est à l'enfance et à l'adolescence que tout se joue, il est donc crucial de miser sur les jeunes et jeunes actifs en priorité et non sur les territoires. Cet investissement public se justifie par la mobilisation des ressources de capital humain. Sur le long terme, il peut embrayer la détérioration de la confiance et tous les facteurs préalablement évoqués propres à renforcer la ségrégation territoriale et se révéler sources d'externalités positives. Il note qu'une politique sociale ou éducative diminuant les risques d'échec dans un type particulier de famille a pour effet indirect de diminuer les risques d'échec dans les familles vivant à proximité. [...]
[...] En effet, l'expérience française est doublement révélatrice. En premier lieu, elle montre que la mixité est difficilement définissable, que c'est un objet d'étude flou : s'agit-il d'une diversité de quartiers, d'individus ? Deuxièmement, elle nécessite un niveau de gouvernance urbaine adaptée (régions, municipalités, arrondissements mais surtout une coordination des politiques urbaines nationale et municipales. Cette difficulté d'approche scientifique se manifeste dans l'ouvrage de Maurin lorsqu'il témoigne des différents grades parmi lesquels peut s'exercer la fracture sociale (classes moyennes et aisées les plus en proie à l'enfermement). [...]
[...] Mais de ce fait, on ne peut plus parler de mixité sociale spontanée. Or, la mixité est en jeu aujourd'hui dans toutes les politiques sociales et urbaines ; si bien que l'on ne sait plus très bien si ce concept relève d'une rhétorique banale ou s'il est désirable de l'intégrer dans la pratique. Maurin nie une quelconque viabilité aux politiques qui se contentent de déplacer des familles pour recréer une mixité dont l'auteur pense qu'elle est vouée à se dissoudre dans la volonté d'évitement des uns et des autres. [...]
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