Les gars du coin 2005, enquête sur une jeunesse rurale, Nicolas Renahy, sociologie du monde ouvrier, jeunesse foulangeoise, Foulange, campagne paupérisée, enfances au village, marché du travail industriel, précarité ouvrière, usine, insertion dans le marché matrimonial
Les gars du coin est une enquête menée par Nicolas Renahy, sociologue du monde ouvrier et chercheur à l'INRA (Dijon) depuis 2001 et chercheur associé à l'équipe Enquêtes, Terrains, Théories du Centre Maurice Halbwachs (Paris Jourdan). Il s'intéresse à l'évolution des formes d'appartenances territoriales, notamment dans les espaces ruraux contemporains ; dans son enquête, il a pour vocation d'étudier la jeunesse ouvrière et rurale d'un village de 600 habitants, Foulange (renommé comme tous les noms de personnes qui apparaîtront au cours de l'enquête), d'en "décrire et analyser le milieu social" (p26), notamment par l'observation participante (observation de moments collectifs, entretiens, "reconstitution d'itinéraires singuliers" (p28).
[...] L'un des compléments que l'on pourrait ajouter à son travail est celui de la continuité de son analyse. En effet, les jeunes ruraux des années 2000 ne sont pas évoqués, et ce certainement, car Nicolas Renahy s'est avant tout attaché à étudier ceux « de son temps », de sa génération (ou de celles suivantes, mais dans un écart d'âge assez restreint). Par conséquent, son enquête manque de pérennité et il s'agirait alors de combler ceci. Il est possible d'évoquer en ce sens le travail de Stéphane Beaud avec son ouvrage d'une génération au bac publié en 2003 permet d'avoir un point de vue annexe sur les espoirs de promotion sociale des enfants de familles populaires, évoluant dans un contexte d'insécurité économique et sociale, et ce en parallèle avec les jeunes de Foulange ayant pour volonté de s'émanciper de leur cadre local avec des perspectives d'ascension sociale. [...]
[...] La jeunesse rurale est donc soumise à des difficultés avant même de pénétrer sur le monde du travail, dont l'entrée se fait par ailleurs plus tardivement qu'auparavant. L'« entre-soi » fixant ainsi le groupe permet de constituer un certain refuge face à l'instabilité du cadre professionnel ou les obstacles qu'occasionne la distance avec le marché matrimonial. D'autant que la jeunesse se voit une velléité de rupture avec un certain ordre social : l'intégration est facilitée par la consommation régulière de cannabis, dans un esprit dit de « bohème populaire », tandis que la classe ouvrière se conforte dans sa domination. [...]
[...] La multiplicité des générations au sein du club associé à la pratique institutionnalisée offre un cadre privilégié de sociabilisation au monde des adultes en créant de nouvelles affinités entre les générations. L'ancrage de la pratique au sein même des relations sociales et surtout intergénérationnelles influe sur la construction de la personnalité sociale de l'individu. Cependant, à travers le développement de l'individu, le passage d'une équipe à une autre (en reprenant l'exemple de l'auteur, d'une équipée junior à senior) n'est pas acquis : il s'agit alors pour le jeune « d'apprendre par corps » (P. Bourdieu, Choses dites, Minuit, Paris p203-216). [...]
[...] La méfiance à l'égard d'individus ayant pourtant grandi dans le cadre local, se manifestant en particulier par une indistinction de plusieurs membres d'une fratrie (ce dont Samir s'offusque) serait en réalité à attribuer à une pratique locale illustrant le fait que l'appartenance familiale précède la reconnaissance individuelle des membres. En parallèle, l'auteur mentionne le cas de Pierre, exemple d'un travailleur en usine après une période de chômage et d'instabilité professionnelle, dont le cas est opposé à celui de Samir : bénéficiant d'une certaine renommée locale due à sa famille (comprenant ainsi la parenté, le capital relationnel détenu et la connaissance préalable du monde du travail), il a pu utiliser ce réseau afin de faciliter son entrée dans le monde du travail malgré ses qualifications faibles. [...]
[...] Lors du passage d'une équipe à une autre, la primauté n'est plus attribuée à l'âge, mais bien aux compétences sportives (alimentant par ailleurs la reconnaissance individuelle dans le niveau du joueur). Cette dernière décide ainsi de l'évolution sportive de l'individu au sein du club (participation ou non à diverses compétitions). Il s'agit réellement du premier rapport direct et égalitaire à l'univers masculin adulte, jusqu'alors simplement côtoyé. L'aspect intergénérationnel permet en somme de cultiver un « entre-soi » masculin puisque le club marque l'appartenance au groupe d'hommes (pratiques collectives telles que la douche apparaissant comme un lieu d'expression d'une sociabilité masculine, le pot dans les vestiaires ou l'institutionnalisation des entraînements) et ainsi la rupture avec le cadre domestique où l'univers féminin domine. [...]
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