Georges Friedmann va à l'encontre des analyses optimistes de Emile Durkheim, dans De la division du travail, et bien sûr de Taylor. La thèse d'Emile Durkheim fait d'ailleurs l'objet d'une partie dans le présent ouvrage de Georges Friedmann qui en expose les insuffisances en montrant que les tâches parcellaires qui sont continues et strictement organisées par un bureau d'études, ne créent pas une solidarité organique. Et Taylor et son OST font l'objet de critiques dans un Post-scriptum de l'édition de 1964 (page 88) où on conclue que l'influence de Taylor n'a pas servi "la primauté de la personne humaine". De plus Georges Friedmann a une préoccupation empirique contrairement à Emile Durkheim (...)
[...] L'objet de cet ouvrage est de rendre compte des tâches que le progrès technique a fait éclater, de quels sont les effets de ces tâches parcellaires, répétées et dépourvues de signification, de variété et de responsabilités sur les travailleurs et sur leur comportement dans le travail et hors du travail ? Quelle influence a le travail sur les attitudes des personnes à l'égard du monde et de la vie ? Comment pallier ces effets ? Georges Friedmann propose de démontrer que les problèmes du travail sont à la fois des problèmes techniques, des problèmes psychologiques et des problèmes sociaux. On part aussi de l'hypothèse que les activités de temps libre sont influencées et structurées par l'expérience au travail. [...]
[...] C'est une réflexion sur la technique et la place de l'homme contemporain. Il y a une condamnation du capitalisme. Le reproche qu'on peut d'ailleurs lui faire est sa proximité avec le marxisme qui parfois paraît s'exprimer à travers son analyse. La dernière partie du livre, pages 274 à 278, en est un bon exemple. Il parle d'un capitalisme traditionnel qui exerce une permanente et nocive influence sur les salariés dans le cadre de l'entreprise, en maintenant, entre eux et celle-ci, une infranchissable distance psychologique, en freinant constamment leur besoin profond de participation, en les empêchant d'engager pleinement dans le travail leurs forces morales et professionnelles Il ajoute même c'est un des vices fondamentaux de ce régime économique, un de ceux qui rendent indispensable de le dépasser, par l'action des masses ouvrières A travers ces deux phrases, le vocabulaire utilisé, tout indique que Georges Friedmann nous fait part de son discours militant. [...]
[...] Georges Friedmann met en évidence les conséquences de l'Organisation Scientifique du Travail en s'appuyant sur de nombreuses enquêtes de terrain. Il a visité de nombreux pays industrialisés et étudié de nombreux secteurs d'activités. Aux pages 31 et 32, il parle de feuilleter les carnets que, depuis quelques 20 ans, nous portons avec nous dans nos visites d'usines, de chantiers, de mines, de bureaux Il ajoute que cela n'a pas suscité d'investigations méthodiques sur des groupes échantillonnés Il précise tout de même que quelques données statistiques sont présentes dans l'appendice pour rendre compte de l'importance du phénomène. [...]
[...] En confiant des tâches multiples et en organisant le travail en équipe, l'intérêt de l'ouvrier est éveillé. Il faut l'associer à l'œuvre en augmentant ses responsabilités et la compréhension du rôle qu'il joue au sein du procédé. L'ennui peut être atténué en substituant à l'uniformité une certaine variété par le transfert, la rotation et l'enrichissement du travail. Ainsi, le moral augmente, l'absentéisme décroît, la qualité est accrue de même que la productivité. Le dogme d'après lequel une division croissante du travail s'accompagne d'une rentabilité également croissante est donc remis en cause. [...]
[...] Il est vrai que Friedmann conçoit une sociologie humaniste refusant le déterminisme technologique et que par conséquent, il ne faut pas se résigner à attendre les effets futurs et hypothétiques de l'automation. Il plaide donc en faveur d'une évolution volontariste de la division du travail et pense que c'est à l'initiative des employeurs qu'elle dépend. Mais, quand on connaît sa proximité avec un courant idéologique, il faut faire d'autant plus attention à ne pas laisser paraître ses convictions sous peine de disqualifier son travail sociologique aux yeux des lecteurs. La suspicion de discours militant n'est jamais bonne pour la validité des résultats de la recherche. [...]
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