La plupart d'entre eux sont âgés de seize à trente ans. Ils se déplacent sans but et sans projets en petits groupes de structure éphémère, souvent accompagnés de nombreux chiens. Ils errent du printemps à l'automne au hasard des occasions et des rencontres.
Ils se retrouvent en grand nombre des les villes de festivals musicaux, de théâtre ou d'art de rue, non pas pour assister aux spectacles, mais simplement pour être là avec ceux qui sont comme eux et vivre côte à côte une fête largement imaginaire. Ils se rassemblent également dans les villes de destination estivale ainsi qu'à proximité des grandes gares, leur mode privilégié de déplacement étant le voyage sur les lignes SNCF sans titre de transport.
Ils ne sont pas fugueurs, ou très peu, car pratiquement tous sont majeurs et échappent à cette catégorisation légale. Ils ne veulent pas être assimilés à des clochards ou à des sans domicile fixe, ils rejettent cette image sociale les renvoyant à une idée de déchéance humaine. Ce ne sont pas non plus des routards, comme certains jeunes des années soixante-dix: leurs itinéraires sont le plus souvent faits au hasard et le limitent à l'Hexagone, ou pour quelques uns d'entre eux à de brefs passages intéressés en Hollande, en Espagne ou au Maroc. Ils se qualifient entre eux de zonards porteurs d'un style et d'une éthique de vie qu'ils disent avoir consciemment choisis dans une recherche de liberté et de convivialité.
Ils mènent une vie de pauvreté, dans une fuite de la réalité permanente. Leur capacité à agir ensemble est limitée et la solidarité qu'ils mettent en permanence en avant disparaît dès l'arrivée des premières difficultés. Les seuls groupes stables sont ceux de taille réduite, formés de deux ou trois individus. La vie de zonard est en fait beaucoup plus pour eux la fuite permanente d'une souffrance individuelle impossible à gérer que la réalisation d'une vie faite d'hédonisme, de convivialité et de liberté.
Une recherche action, engagée à partir de 1992 autour des jeunes en errance à permis de répondre à un grand nombre de questions et de volontés sociales. Ce livre en présente le parcours, en dresse les acquis et les perspectives d'avenir. Ainsi, qui sont ces jeunes, comment travailler avec eux et comment améliorer les dispositifs publics qui les concernent ?
[...] Leur attention va se focaliser par exemple sur une petite plaie sans importance alors qu'ils présentent en même temps une toux caverneuse. Ce déplacement peut également se déplacer vers un ami, faisant alors l'objet d'une attention paradoxale, ou encore sur leur animal domestique dont ils tiennent scrupuleusement le carnet de santé à jour. Des demandes de soins ponctuelles sont formulées sur les deux extrêmes de la chaîne des structures de santé. Les pharmaciens pour des soins ponctuels et rapides d'une part et les urgences des hôpitaux, la plupart du temps hors d'une situation d'urgence. [...]
[...] Deux phases viennent avant les départ final, un mal-être psychologique se développe doucement dès l'enfance, évoluant peu à peu vers une recherche de limites. Ce décrochage social se poursuit par le départ définitif, suite des nombreuses fugues accumulées dans la phase précédente. La quatrième phase est celle de la prise de conscience progressive d'une fuite impossible, d'un enfermement de plus subi dans l'errance. Elle aboutit dans la grande majorité des cas à une cinquième et dernière phase, installation passive et autodestructrice dans l'errance, l'autre possibilité de stabilisation des conduites étant la socialisation et la stabilisation sur les marges de la société. [...]
[...] Toutes les boissons fortement alcoolisées sont utilisées, dissimulées dans des emballages opaques. L'expérience zonarde apprend qu'il est préférable pour le maintien des revenus et la tranquillité du groupe que les donateurs potentiels et la police ne voient pas les bouteilles d'alcool. La bière est privilégiée en raison de son faible coût et de la facilité de transport des cannettes. Tous les médicaments qui font planer sont utilisés systématiquement avec d'importantes doses d'alcool. Ces spécialités pharmaceutiques sont obtenues avec des ordonnances originales ou falsifiées, les deux donnants lieux à un commerce. [...]
[...] Les arguments mis en avant par les propriétaires des animaux portent sur la compagnie qu'ils procurent, leur fidélité et le fait qu'ils évitent d'être interpellés par la police (en effet peu de chenils sont présents dans les locaux de police). La proximité affective et matérielle est très forte entre les maîtres et les chiens, certains ne pouvant pas se séparer de leur animal plus d'un court instant. Lonesome zonard. La vie de la zone n'est pas faite, sauf exceptions, de groupes qui perdurent dans le temps. Les grands groupes constitués sur un intérêt commun sont d'une existence éphémère. Les petits groupes structurés autour d'un noyau fort existent toutefois et semblent plus stables. L'errance, une fuite illusoire et sans fin. [...]
[...] Ils ne savaient pas toujours où ils allaient lors de ce départ définitif, mais savaient vers qui ils allaient pour avoir souvent croisé et côtoyé la zone. Un autre type de départ en errance est le fait de jeunes adultes, fortement engagés dans l'alcool ou la drogue, qui partent sur la route pour tenter de sortir de leur dépendance, mais vainement. Enfin quelques uns expliquent leur départ par un choix politique de rupture revendiquée avec les normes de la société. [...]
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