"La France morcelée", Jean-Pierre Le Goff

Résumé du document

La rupture a été l'un des thèmes centraux de la campagne présidentielle et la victoire de Sarkozy a été considérée par beaucoup comme la marque d'un renouveau possible dans un pays désorienté et morcelé. Le livre "La France morcelée", Jean-Pierre Le Goff a pour but de décrypter le sentiment de désorientation et du morcellement en portant l'accent sur la révolution des idées, des représentations et des valeurs qui concernent tout autant le domaine politique que la société.

Ces évolutions altèrent en effet les rapports entre gouvernements et gouvernés. Une nouvelle configuration sociale et politique se dessine ainsi, ce qui est problématique du point de vue de la conception républicaine de la citoyenneté. La psychologisation des rapports sociaux va de pair avec la désagrégation du creuset culturel et politique dans lequel s'inscrivaient les contradictions et les conflits et qui maintenait ces derniers dans un cadre commun.

Extraits

[...] Le danger qui guette les démocraties est moins celui des contradictions et des conflits, comme on en a connu dans le passé, qu'un processus de délitement et de repli par lequel chacun tient à affirmer sa différence et sa distinction alors que le creuset commun se dissout. Chapitre 3 : hypothèses pour comprendre le chaos ambiant Le télescopage des réformes, le malaise et l'exacerbation au sein des services publics, tout particulièrement à l'école, les grèves et les manifestations à répétition ont rendu le recul réflexif et le débat argumenté difficiles, voire impossibles. Tout s'est mêlé dans un grand déballage et un affrontement où se rejouent des clivages politiques et idéologiques traditionnels qui ne contribuent guère à cerner ce dont il est question. [...]

[...] Alors que le CPE entendait avant tout créer des conditions d'emploi plus favorables pour les jeunes peu scolarisés et en difficulté, ce sont les jeunes des lycées et des universités qui se sont aussitôt mobilisés massivement pour son retrait. Et ce refus comporte un déni de la réalité à laquelle cette jeunesse se trouve confrontée, une méconnaissance des conditions actuelles de l'emploi. Cette méconnaissance des conditions d'emploi s'accompagne chez les jeunes manifestants d'une vision noire de l'entreprise, appréhendée comme le lieu d'une exploitation et d'une oppression éhontée, en niant les contraintes fonctionnelles propres à la production et les rapports de coopérations qui se nouent dans le travail. [...]

[...] Désormais on remarque une sorte de franc- parler populiste jouant constamment sur le registre victimaire et justicier. Le discours tend également à s'aligner sur le registre des grands médias audiovisuels. A l'ancien pouvoir informe succède une unité centrée autour de la personnalité du nouveau chef de l'état dans son volontarisme affiché de faire justice et de résoudre pratiquement les multiples problèmes de la société française. Ce nouveau style présidentiel bouscule les protocoles et les marques institutionnelles les plus voyantes qui distinguent l'état de la société. [...]

[...] - La langue caoutchouc renvoie enfin à un discours politique qui dit tout et son contraire avec un aplomb déconcertant, dénie les contradictions et les revirements, enrobe l'opportunisme dans des phrases sonores à proportion de leur vacuité, sur le modèle de la communication médiatique et publicitaire. Le nouveau pouvoir politique a introduit des changements qui en gomment les aspects les plus visibles sans pour autant en remettre en cause les fondements. Les changements les plus manifestes concernent le langage politique et le style de pouvoir. [...]

[...] L'idée même de passerelles entre les universités et les entreprises suscite de fait de fortes résistances. Et à partir de mai 68 la jeunesse lycéenne et étudiante s'affirme comme une force avec laquelle l'état et les partis politiques vont désormais devoir compter. Depuis cette époque les différentes luttes étudiantes et lycéennes ne sont guère sorties de ce moule et le mouvement anti-CPE n'y a pas échappé. Depuis décembre 1995 le pays voit resurgir régulièrement ce qu'on appelle un mouvement social. La question du lien générationnel est présente au sein de ces mouvements sporadiques. [...]