Parmi toutes les modifications de la justice pénale de la fin du XIXe siècle, la plus importante est la disparition des supplices. En quelques dizaines d'années, le corps supplicié, dépecé, amputé (...), a disparu. Le corps n'est plus la cible majeure de la répression pénale. Cette transformation a donc lieu à la fin du XVIIIe siècle, et au début du XIXe, et deux processus se sont mêlés :
1. L'effacement du spectacle punitif : Le cérémonial de la peine tend à entrer dans l'ombre, pour ne plus être qu'un nouvel acte de procédure ou d'administration. En effet, la punition à cessé peu à peu d'être une scène. Et tout ce qu'elle pouvait emporter de « spectacle » se trouvera désormais affecté d'un indice négatif ; comme si les fonctions de la cérémonie pénale cessaient, progressivement, d'être comprises. L'exécution publique est perçue maintenant comme un foyer où la violence se rallume. La punition tendra donc à devenir la part la plus cachée du processus pénal et l'exécution est comme une honte que la justice à honte d'imposer au condamné ; il est laid d'être punissable, mais peu glorieux de punir.
2. L'annulation de la douleur : Le but devient de ne plus toucher au corps, ou le moins possible en tout cas. Il est vrais que la prison, la réclusion, les travaux forcés, le bagne, l'interdiction de séjour ou la déportation, sont bien des peines « physiques » (à la différence de l'amende, ils portent directement sur le corps). Mais la relation châtiment-corps n'est pas identique à ce qu'elle était dans les supplices. Le corps s'y trouve en position d'instrument ou d'intermédiaire. La souffrance physique, la douleur du corps lui-même ne sont plus les éléments constituants de la peine. Et par l'effet de cette retenue nouvelle, toute une armée de techniciens est venue prendre la relève du bourreau : les surveillants, les médecins, les aumôniers, les psychiatres, les psychologues, les éducateurs. Un médecin aujourd'hui doit veiller sur les condamnés à mort, et ce jusqu'au dernier moment. Quant le moment de l'exécution approche, on fait aux patients des piqures de tranquillisants (...)
[...] Entre cet arsenal d'épouvante et la pratique quotidienne de la pénalité, la marge était grande. Les supplices proprement dits ne constituaient pas, loin de là, les peines les plus fréquentes. Sans doutes à nos yeux d'aujourd'hui, la proportion des verdicts de mort peut paraître importante (les décisions du Chatelet pendant la période 1755-1785 comportent 9 à 10 pct de peines capitales), mais le bannissement a représenté entre 1755 et 1785 plus de la moitié des peines infligées. Or une grande partie de ces peines non corporelles étaient accompagnées à titre accessoire de peines qui comportaient une dimension de supplice : exposition, pilori, carcan, fouet, marque Toute peine un peu sérieuse devait emporter avec soi quelque chose du supplice. [...]
[...] Cette transformation ne s'est pas faite d'un processus unique, puisque la Révolution avait habillé cette mort légale de la décapitation, d'un grand rituel théâtral[2]. Et la critique souvent faite au système pénitencier, dans la première moitié du XIXe siècle (la prison n'est pas suffisamment punitive : les détenues ont moins faim, moins froid, sont moins privés au total que beaucoup de pauvres ou même d'ouvriers indique un postulat qui jamais n'a franchement été levé : il est juste qu'un condamné souffre physiquement plus que les autres hommes. [...]
[...] Le juge a donc besoin à son tour d'un contrôle nécessaire et rectificatif de ses évaluations ; et ce contrôle, c'est celui qui doit fournir la prison pénitentiaire[23]. Des débats deviendront bataille pour s'approprier le contrôle de ce supplément pénitentiaire ; les juges demanderont droit de regard sur les mécanismes carcéraux : la moralisation des détenus exige de nombreux coopérateurs ; ce n'est que par des visites d'inspection, des commissions de surveillance, des sociétés de patronage qu'elle peut s'accomplir. Il lui faut donc des auxiliaires et c'est à la magistrature de les lui fournir[24]. [...]
[...] Ce sont des espaces qui assurent la fixation et permettent la circulation ; ils découpent des segments individuels et établissent des liaisons opératoires ; ils marquent des places et indiquent des valeurs ; ils garantissent l'obéissance des individus, mais aussi une meilleure économie du temps et des gestes. A2. Le contrôle de l'activité 1. L'emploie du temps est un vieil héritage. Les communautés monastiques en avaient sans doute suggère le modèle strict. Il s'était vite diffusé. Ses trois grands procédés (établir des scansions, contraindre à des occupations déterminées, régler les cycles de répétition) se sont retrouvés très tôt dans les collèges, les ateliers, les hôpitaux. [...]
[...] J.Laurence, A history of capital punishment p71 et sui.). Marquis d'Argencon, Journal et Mémoires, t.VI, p241 Cf. D.Richet, La France moderne p118-119 C'est ainsi que la chancellerie en 1789 résume la position générale des cahiers de doléances, quant aux supplices. Cf. E. Seligman, La Justice sous la Révolution, T. I et A. [...]
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