L'expérience du temps "qui passe" semble être de nature subjective, mais quelle est l'origine de notre notion de temps ? Durkheim part d'un constat : on ne conçoit le temps qu'en le découpant en une suite de moments, quel que soit le nom qu'on leur donne. Un tel découpage peut-il être d'origine individuelle ?
La façon dont notre passé peut, grâce à la mémoire, être différencié du présent, ne constitue qu'une expérience privée, insuffisante pour élaborer une catégorie de la pensée. Il faut donc que cette dernière soit un cadre "impersonnel", et que l'organisation du temps dépende d'une pensée collective.
[...] Seule cette distinction de moments différents rend donc le temps pensable. On peut en déduire que la durée bergsonienne, qui est précisément antérieure à tout découpage, relève pour Durkeim de l' »impensable Comment, dès lors, accéder au temps sans le découper? Notre représentation du temps implique de recourir à des procédés qui ont des usages multiples: division, mesure, expression. Il y faut des signes objectifs au double sens du terme: ces signes ne dépendant pas d'une subjectivité, et ils objectivent le temps en nous le rendant pensable et maîtrisable. [...]
[...] Si la conclusion du temps est bien impersonnelle ou sociale, comme l'affirme Durkheim, on doit concevoir qu'elle dépend aussi de l'évolution des moyens techniques qui peuvent se produire dans une société. Lorsque les moyens de communication deviennent performants au point de prétendre livrer l'information en temps réel, on peut supposer qu'une telle modification doit entraîner des changements dans la conception collective du temps lui- même: si tout devient simultané, quelle peut être l'importance du passé? Comment en transmettre ce qui mérite d'être conservé? Si la catégorie du temps était étrangère à une conception collective, de telles questions ne devraient pas être posées aujourd'hui. [...]
[...] "Les formes élémentaires de la vie religieuse", Émile Durkheim (1912) L'expérience du temps qui passe semble être de nature subjective, mais quelle est l'origine de notre notion du temps? Durkheim part d'un constat: on ne conçoit le temps qu'en le découpant en une suite de moments, quel que soit le nom qu'on leur donne. Un tel découpage peut-il être d'origine individuelle? La façon dont notre passé peut, grâce à la mémoire, être différencié du présent, ne constitue qu'une expérience privée, insuffisante pour élaborer une catégorie de la pensée. [...]
[...] L'organisation en question (découpage, nomination) dépend de la société dont je fais partie, et de son histoire (pendant la Révolution, on a modifié le nom des mois). Il m'appartient d'accepter ce temps collectif, ou cette pensée déjà effectuée du temps tel que je le vis ensuite. Refuser ce cadre impersonnel, c'est m'exclure du social, puisque toute communication (de faits, de tâches à accomplir, d'expériences partagées ou non) devient impossible. Mais le temps conçu peut varier d'une culture à une autre C'est donc la collectivité qui pense objectivement le temps avant moi (ou à ma place): il est rendu objectif; c'est-à-dire qu'il échappe aux subjectivités individuelles par sa définition, mais aussi qu'il est objectivé, ou qu'il devient un objet de pensée possible, en même temps qu'il rend la pensée possible. [...]
[...] En l'absence de ce dernier, la catégorie temporelle semble incomplète. Durkheim ne relève pas non plus cette difficulté. Il s'intéresse à un point de vue différent: la commémoration. La commémoration suffit-elle pour instaurer le temps? La commémoration désigne ici le retour du passé qu'autorise la mémoire. Elle peut être partielle ou intégrale ce qui semble faire allusion aux deux mémoires distinguées par Bergson dans Matière et Mémoire: la commémoration partielle n'utilise que ce qui est utile pour l'action (mémoire habitude), alors qu'elle est intégrale dans la mémoire pure qui est l'activité spirituelle, ou la conscience elle-même comme accumulation du passé. [...]
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