A travers une approche historique de l'évolution du châtiment, Michel Foucault en décrit la transformation, passant d'une punition corporelle à un rituel plus symbolique, mais marquant malgré tout le corps du prisonnier, sinon son esprit et son âme.
[...] Foucault focalise une grande partie de son analyse sur la manière dont la prison, en tant qu'institution produit ses normes, et les impose aux détenus. Foucault insiste notamment en page 229 que la prison intègre en elle-même des fonctions contradictoires, et pourtant fondamentales à sa raison d'être en tant qu'institution de punition et de réhabilitation. La prison est ainsi la forme la plus évoluée de la civilisation moderne: elle n'est pas fondamentalement différente d'autres institutions où les corps des individus sont soumis à des contraintes d'espace. [...]
[...] Il détaille le rituel de mise à mort de différents condamnés en s'appuyant sur les chroniques de contemporains, et insiste sur le caractère spectaculaire de ces cérémonies d'exécution des condamnés. Pour l'auteur, ces dernières sont choquantes et extrêmes précisément parce qu'elles veulent impressionner. Foucault va jusqu'à établir un parallèle indirect entre le corps du supplicié et le corps du monarque, au sens de Hobbes[2], et de mettre en exergue la dimension religieuse de la punition corporelle, aussi extrême soit-elle. En pages 27-28, il offre deux explications à cette fonction duale de l'exécution: dans la première, il fait référence à l'approche théologique du système judiciaire au Moyen-Âge, qui emprunte plusieurs aspects à la christologie[3] de rigueur à l'époque. [...]
[...] Dans les deux cas, le condamné perd sa liberté de contrôle de sa personne – la différence étant dans le traitement de l'intégrité physique du criminel. Michel Foucault – Surveiller & Punir : Naissance de la Prison NRF Editions Gallimard 1975. ISBN 9782070729685 Andrei Salavastru - The Discourse of Body Politic in Thomas Hobbes' Leviathan Les cahiers psychologie politique numéro 24, Janvier 2014. (lien hypertexte) Christologie : l'étude de la vie et doctrine de Jésus-Christ. Ce domaine de la théologie a eu une forte influence sur la procédure judiciaire médiévale. [...]
[...] L'isolation des détenus entre eux évite que des complicités naissant du côtoiement d'autres individus ne soient exportées dans la société une fois les détenus libérés. Cette vision de l'isolement comme outil de régulation des interactions sociales au sein du système carcéral découle d'une vision épidémique des comportements déviants: si les détenus interagissent entre eux, leurs comportements déviants vont non seulement résister au processus de rééducation, mais seront confortés par l'émergence de normes alternatives, spécifiques à une société criminelle. A la libération de détenus officiellement rééduqué, la prison prendrait le risque de renvoyer dans la société des individus porteurs de normes en directe contradiction avec celles de la société plus large. [...]
[...] Si ces derniers s'avèrent être peu disposés à accepter de travailler en prison, ils sont contraints à le faire dans une imitation du statut du serf attaché à sa terre. Le prisonnier doit travailler pour effacer sa dette envers la société. Enfin, la propriété privée du criminel est confisquée, une partie est redistribuée en faveur des ayant-droits des victimes du crime, dans la lignée d'une vision de la justice restaurative (compenser les victimes du crime). Au moment où les prisons prennent leur forme moderne, le souci des précurseurs du système pénitencier moderne était de chercher à créer un environnement exhaustif et isolé du reste de la société. [...]
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