Le livre de Everett C. Hughes « Le Regard Sociologique » (paru en 1996) est un incontournable parmi les ouvrages de sociologie. Par l'intermédiaire de ce livre, Hughes a réellement apporté quelque chose de nouveau, tout en conservant la marque de son appartenance à l'Ecole de Chicago. Il a d'ailleurs contribué à perpétuer ce « courant », et ainsi il a pu transmettre les apports de la première génération de l'Ecole de Chicago.
J'ai choisi d'étudier ce livre pour plusieurs raisons : tout d'abord, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises d'en lire certains passages, notamment sur la façon d'étudier et d'appréhender une profession. J'avais trouvé ça très intéressant, et particulièrement l'intérêt de l'auteur pour les métiers dits « moins nobles ».
La seconde raison est que je pense qu'il faut avoir lu ce livre lorsqu'on suit des études de sociologie, et spécialement en sociologie du travail, ce qui est mon cas. En effet, cet ouvrage représente un des incontournables livres en sociologie.
De plus, j'ai pensé que cette lecture allait m'aider dans l'élaboration de mon mémoire, qui portera sur le journalisme, et plus particulièrement sur la ou les manières qu'emploient les journalistes pour traiter un fait politique. Même si je n'étudie pas la profession en elle-même, je dois avant tout mieux connaître ce milieu, leur façon de travailler, leurs interactions… J'ai donc pensé que ce livre me serait utile dans la manière d'aborder le sujet.
Everett Cherrington Hughes (1897-1983) est l'un des principaux représentants de la pensée sociologique de l'école de Chicago.
Hughes a contribué à la seconde période de l'École de Chicago, soit celle qui suit directement les recherches et enseignements de Park, Ernest Burgess, Thomas et Znaniecki ainsi que dans une autre mesure Albion Small et George Herbert Mead. Erving Goffman et Howard Becker ont été ses élèves. Hughes était considéré comme un sociologue qui alliait autant études empiriques et réflexions théoriques.
Entre 1927 et 1938, Hughes enseigne la sociologie à l'Université Mc Gill à Montréal. Il profitera de son séjour à Montréal pour étudier la société canadienne et française. Il publie en 1943 un ouvrage qui porte sur la ville de Drummondville dans l'est de la province de Québec. Cet ouvrage intitulé « French Canada in Transition » aborde la question de l'industrialisation des régions rurales.
Hughes fut lui-même professeur de sociologie à l'université de Chicago de 1938 à 1961. Il a développé une perspective originale pour l'étude du travail, des métiers et des institutions, dont s'inspirèrent les sociologues de la génération suivante, comme Howard S. Becker, Erving Goffman, Eliot Friedson, etc.
Mais Everett C. Hughes est également connu pour ses recherches sur le travail. Le travail pour Hughes est un objet de la plus haute importance puisqu'il permet d'étudier les relations entre les individus. En effet, étudier le travail, c'est étudier les arrangements sociaux et psycho-sociaux. Le travail et son environnement sont un terrain intéressant puisqu'il permet d'examiner les processus d'acceptation, de tolérance et de valorisation face aux autres. Pour Hughes, les statuts ne sont pas définis à priori, ils naissent de l'interaction des acteurs qui ont des rôles sociaux différents.
Tout au long de sa carrière Hughes s'est intéressé également à l'étude des contacts interethniques. Ses propres recherches sur le Canada ont débouché sur une perspective originale qui prolonge celle de Park sans en avoir les limites.
Hughes a ainsi joué un rôle éminent dans le développement de l'un des domaines d'excellence de la sociologie américaine des soixante dernières années : les recherches reposant sur une approche ethnographique des sociétés contemporaines. Certains de ses essais, enfin, déploient une réflexion d'ensemble sur les sciences sociales, leur histoire et leurs démarches.
Cet ouvrage offre une vue d'ensemble de l'oeuvre d'Everett C. Hughes.
Hughes était un interactionniste : héritier direct de l'Ecole de Chicago, ce courant de pensée s'est développé aux Etats-Unis au cours des années soixante. En opposition avec le fonctionnalisme qui dominait alors la sociologie américaine, les interactionnistes ont centré leurs études sur les interactions, c'est-à-dire sur les actions réciproques entre les individus. Ce courant de pensée, auquel se rattache l'ethnométhodologie de Goffman, a en commun avec l'individualisme méthodologique l'étude des motivations des acteurs, mais s'en distingue en faisant de l'interaction, et non pas de l'individu et de ses stratégies, l'élément de base de sa réflexion.
Contrairement aux fonctionnalistes, la rupture proposée par les interactionnistes porte également sur les méthodes de travail. Alors que les premiers privilégient une sociologie quantitative basée sur le recueil et l'analyse de données (sous la forme d'enquêtes ou de sondages par exemple), les seconds réhabilitent une sociologie qualitative issue de l'Ecole de Chicago. Pour eux, rien ne remplace l'observation directe et personnelle faite par le sociologue sur le terrain.
A partir de l'hypothèse selon laquelle les individus sont des sujets conscients, ils proposent d'expliquer le social par les actions individuelles. L'action a une signification pour les individus, et les interactionnistes ajoutent qu'il n'y a pas d'autres sens à chercher que celui donné par l'individu lui-même. Le travail du sociologue consiste donc, selon eux, à reproduire le discours des individus. L'action d'un individu et le sens qu'il lui donne dépendent de ses relations avec les autres. Ainsi, un médecin agit vis-à-vis de ses patients en fonction des attentes de ceux-ci. Nous reparlerons plus tard du champ de la médecine, sous divers aspects qu'ont étudiés Hughes et Friedson.
Ce recueil comprend à la fois des essais très connus de Hughes, un inédit, un texte publié tardivement, un chapitre de son livre sur les contacts entre races et cultures ; il donne donc une vision d'ensemble de la sociologie de Hughes. Ces différents essais ont été sélectionnés par Jean-Michel Chapoulie.
Jean-Michel Chapoulie est professeur de sociologie à l'Université de Paris I, où il enseigne la sociologie de l'éducation, et en particulier les caractéristiques du champ pédagogique en France. A côté de ses études sur l'éducation, il est également un spécialiste de l'Ecole de Chicago. D'un point de vue méthodologique, il a notamment publié sur l'expérience de terrain. Il a écrit entre autres « La tradition sociologique de Chicago, 1892-1961 », Paris, Seuil, 2001.
Après avoir rappelé la place de Hughes dans l'histoire de la tradition de Chicago, Chapoulie montre que la contribution de Hughes, qui prend majoritairement la forme d'essais, se caractérise, à l'instar de celle de Park, par une observation minutieuse des détails et par une grande insistance sur les faits macro sociaux. Hughes, opposé à l'invention de jargons ésotériques, utilise « l'examen critique de propriété des termes du langage ordinaire » comme stratégie d'investigation et, l'applique à tous ses sujets d'analyse. « Hughes part de l'idée banale (…) que les catégories du langage ordinaire reflètent les points de vue de catégories particulières de personnes, et qu'à travers leur usage s'impose le point de vue pratique de celles-ci et leur perception des phénomènes sociaux ».
Les principaux thèmes évoqués, et que nous allons étudier, sont l'étude du travail et des professions, les institutions, la rencontre des groupes ethniques et des cultures et enfin l'histoire et la méthode des sciences sociales.
Pour mieux comprendre cet ouvrage, nous allons faire une lecture linéaire, en reprenant chaque thème important que nous venons de citer, et en les expliquant, grâce au livre lui-même, et aussi nous nous servirons d'autres études pour mieux expliquer le point de vue de Hughes, et des interactionnistes. A certains moments, nous confronterons la théorie interactionniste de Hughes à celle des fonctionnalistes, pour mieux comprendre les différentes façons d'aborder un sujet. Nous ne limiterons donc pas ce travail à la seule étude de l'ouvrage, même si elle en constituera la base.
[...] L'assimilation sera accomplie quand l'immigrant portera le même intérêt aux mêmes objets que l'Américain d'origine. On parle souvent pour désigner la sociologie de Chicago de sociologie compréhensive : en effet, jusqu'à la fin des années 20, la plupart des sociologues de l'Ecole de Chicago cherchent à fournir des travaux permettant d'améliorer le bien-être social des habitants et privilégient, de ce fait, les études empiriques plutôt que la recherche théorique. L'unité de l'Ecole de Chicago peut être trouvée dans la volonté des chercheurs de comprendre un phénomène de l'intérieur. [...]
[...] De la même façon, après avoir été utilitaires, les relations deviennent morales, sociales et politiques. Selon Park, une frontière raciale est à la fois un lieu de rencontre et une barrière. Les barrières raciales sont aussi des obstacles dressés pour ralentir une éventuelle assimilation. Pour Park, les relations raciales modernes sont le produit de la domination économique, politique et idéologique d'une population sur l'autre. Ce sont ces mêmes dominations qui déterminent donc les différents types de frontières raciales. Hughes ne détaille pas ces différents types, à part la frontière mobile expression à l'origine de W. [...]
[...] Ceux qui sont titulaires d'une telle licence, s'ils se regroupent dans un esprit de corps, tendent à revendiquer un mandat leur permettant de définir les comportements et les normes qu'il faut adopter à l'égard de tout ce qui touche à leur travail. La compréhension de la nature et des limites de la licence et du mandat est un domaine fondamental de l'étude des professions. Ils constituent les manifestations premières de la division morale du travail, c'est-à-dire des processus de répartition des différentes fonctions morales entre les membres de la société, individus ou catégories d'individus. [...]
[...] Cette sélection ne s'est pas fait au hasard, mais selon l'importance des thèmes soulevés par l'auteur. L'intérêt, selon moi, a aussi été d'apporter d'autres références que celles de Hughes, pour confronter les différents points de vue. C'est pour cela qu'à plusieurs reprises nous avons notamment fait référence aux fonctionnalistes. Références Everett C. Hughes, Le regard sociologique : Essais choisis, Textes rassemblés et présentés par Jean-Michel Chapoulie, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales Le Breton David, L'interactionnisme symbolique, Paris, PUF, Coll. Manuels. [...]
[...] En effet, étudier le travail, c'est étudier les arrangements sociaux et psychosociaux. Le travail et son environnement sont un terrain intéressant puisqu'il permet d'examiner les processus d'acceptation, de tolérance et de valorisation face aux autres. Pour Hughes, les statuts ne sont pas définis à priori, ils naissent de l'interaction des acteurs qui ont des rôles sociaux différents. Tout au long de sa carrière Hughes s'est intéressé également à l'étude des contacts interethniques. Ses propres recherches sur le Canada ont débouché sur une perspective originale qui prolonge celle de Park sans en avoir les limites. [...]
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