A.Coffignon décrivait déjà en 1890, dans son livre Le pavé parisien, le monde des marchands ambulants. Dès 1881, ils étaient en effet déjà nombreux à parcourir les rues de Paris dans tous les sens. Mais, toujours en quête des lieux les plus fréquentés, ces marchands vont suivre les mouvements de la population, et le commerce ambulant va s'exiler en partie de la rue pour descendre dans les entrailles métropolitaines de la ville. C'est justement ce milieu, qui tente de vivre et de survivre dans et par le métro, que Laurence Costes, dans son livre L'étranger sous terre, commerçants et vendeurs à la sauvette du métro parisien, a voulu décrire.
Même si cette population, qui a été jetée dans le métro par des conditions sociales difficiles, est globalement comparable à celle que décrivait A.Coffignon, son implantation dans un lieu tel que l'espace métropolitain rend la nature de son activité différente ; les commerçants doivent faire preuve d'adaptation pour continuer d'exercer leur métier. Ils doivent se développer dans un environnement économique en évolution permanente dans tous les domaines : financier (augmentation des loyers, des charges sociales), socio-économique (adapter leurs produits aux contraintes du milieu), concurrentiel (le nombre de vendeurs s'accroît mais le choix des produits reste limité).
Pour comprendre comment s'organise cette frange de l'économie urbaine, Laurence Costes a mené une enquête sur le terrain qui s'est déroulée de 1988 à 1991 sur l'ensemble du réseau métropolitain parisien avec une attention particulière pour les stations de métros proche du quartier du Sentier et de ses ateliers des IIe, IIIe, Xe et XIe arrondissements parisiens ainsi que du XVIIIe arrondissement. Cette enquête a été complétée par une série d'entretiens auprès de plusieurs responsables de la RATP et de la société chargée de la gestion de ces activités commerciales, Promo-métro. Elle a pu également utiliser les archives de la RATP pour obtenir des données numériques précises. Enfin, elle a analysé des procès-verbaux des années 1975 à 1982 dressés à l'encontre des « sauvettes » afin de suivre l'évolution de cette population avec une bonne approximation.
Il ne s'agit pas dans notre lecture critique de redresser un portrait de cette population, déjà très bien décrite par Laurence Costes, mais plutôt de resituer cette étude dans un champ plus large, de la faire « dialoguer » avec les recherches d'autres auteurs. Cette étude a, en effet, le mérite de faire intervenir plusieurs champs d'études des sciences sociales. Il sera donc intéressant dans notre réflexion de mettre en évidence cette pluralité disciplinaire qui donne à ce travail un caractère atypique.
[...] Dans le meilleur des cas, la concurrence peut être régulée par la négociation. La raquette peut aussi être un moyen pour expulser les intrus quand ceux-ci représentent une menace commerciale, mais cette pratique demeure exceptionnelle car les enjeux financiers sont trop minimaux par rapport aux risques encourus. La concurrence peut également faire intervenir le caractère ethnique et donner naissance à des relations sociales fondées sur le rejet d'une ethnie par une autre. Par exemple, les Français se sentent menacés par les prix pratiqués par les asiatiques, ils ont du mal à les concurrencer car ils travaillent individuellement pour leur propre compte, s'en tiennent à un nombre raisonnable d'heures de travail, ne sont pas suffisamment organisés pour faire face aux augmentations de loyer. [...]
[...] Il faut donc distinguer une concurrence à double niveau : à l'intérieur des catégories vendeurs à la sauvette et commerçants des mini-boutiques et également entre ces deux figures du commerce métropolitain. Les relations sociales créées par ces deux types de concurrence diffèrent. Chaque vendeur est présent en vue de la réalisation d'un objectif commercial, mais la poursuite d'un but commun lie ces hommes dans un milieu où règne désormais une compétition éliminatrice. La station peut rapidement se transformer en terrain de lutte où chacun est amené à défendre âprement ses intérêts. [...]
[...] Elle a pu également utiliser les archives de la RATP pour obtenir des données numériques précises. Enfin, elle a analysé des procès-verbaux des années 1975 à 1982 dressés à l'encontre des sauvettes afin de suivre l'évolution de cette population avec une bonne approximation. Il ne s'agit pas dans notre lecture critique de redresser un portrait de cette population, déjà très bien décrite par Laurence Costes, mais plutôt de resituer cette étude dans un champ plus large, de la faire dialoguer avec les recherches d'autres auteurs. [...]
[...] Il y a ainsi une sorte d'initiation à l'économie urbaine par les confrères et les mêmes emplois tendent de la sorte à être légués. L'espace du métro devient beaucoup plus qu'une zone marchande particulière, il est une communauté de destin culturel où chacun conserve et renforce son identité en s'appuyant sur les autres, ses dépendances étant négociées. Il est intéressant de noter que l'association avec autrui est déterminée par les mêmes principes que ceux qui régissent le marché en économie : des récompenses, des coûts, des solutions de rechange . [...]
[...] C'est une des seules activités leur permettant d'user de leur ethnicité comme une ressource positive, une source d'avantages. Dans le sillage de l'analyse stratégique développée par M.Crozier et reprise par D.Desjeux, nous pouvons dire que l'ethnicité, qui était perçue par les migrants comme un handicap dans une perspective d'intégration au marché du travail français, devient dans le métro, une ressource mobilisable dans une stratégie de maximisation des gains ou plutôt dans une stratégie de survie. De plus, Laurence Costes déconstruit d'avance la représentation monolithique que l'on pourrait se faire des commerçants dans le métro en montrant que cette société marginale (Bastide) est bel et bien une société hiérarchisée et fragmentée. [...]
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