L'enracinement social de la mortalité routière, Matthieu Grossetête, sociologie des risques, pouvoirs publics, BAACC Bulletins d'Analyse des Accidents Corporels de la Circulation, statistiques routières
Matthieu Grossetête, chercheur post doctorant au Centre d'Analyse et de Recherche Interdisciplinaire Sur les Médias (CARISM), ainsi qu'à l'Institut Français de Presse (IFP/Université Paris II), est spécialisé dans l'étude sociologique de nombreux thèmes (environnement, développement durable...), en particulier le domaine de la sociologie des risques. Un domaine dans lequel il a centré une partie de son étude sur le cas des accidents de la route, dont il renouvelle l'approche, en déconstruisant les discours officiels et en réancrant ces accidents dans une perspective sociale, bien souvent négligé par les pouvoirs publics.
[...] La mortalité routière, fait social négligé par l'État 1. Du point de vue des contraintes formelles de sa comptabilisation et de ses modalités La comptabilisation et la statistique officielle concernant la mortalité routière accessoirisent les variables sociales dans l'explication des causes des accidents de la mortalité routière, et ce de plusieurs manières. En effet, les modalités d'interprétation des causes de l'accident sont marquées par leur ancrage historique, la culture des professionnels de l'équipement à l'origine de ces modalités, favorise ainsi une interprétation qui vise à retranscrire la scénographie de l'accident (conditions atmosphériques Ainsi les variables telles que le genre, l'âge et la profession sont négligées, car non pertinentes dans l'interprétation de l'accident, selon cette culture. [...]
[...] On comprend ainsi, qu'un évènement quel qu'il soit ne peut être complètement dissocié de son ancrage social, au risque de tomber dans une naturalisation, voire essentialisation de l'évènement au regard d'autres variables (dans le cas de l'accident de la route, la variable de la conduite individuelle prédomine par exemple). B. Critique L'auteur pose comme critique principale la non prise en compte volontaire de certaines variables sociales dans l'explication de l'accident de la route par les pouvoirs publics. On peut supposer qu'il postule alors une forme de manipulation par les pouvoirs publics à ce sujet. On peut nuancer son propos, en soulignant le manque d'études sociologiques à ce sujet, compliquant ainsi la reconnaissance par les pouvoirs publics de la dimension systémique des accidents routiers. [...]
[...] Le discours officiel prône alors une responsabilisation individuelle des conducteurs, discours renforcé par les médias et les productions culturelles qui véhiculent une image de l'accident comme exceptionnel, et par conséquent non régulier ou ordinaire. Le rejet du fait social qu'est la mortalité routière, par les pouvoirs publics, s'explique par la potentielle remise en question politique que sa reconnaissance pourrait impliquer. En effet, reconnaitre que la mortalité routière est le fruit d'un système social inégalitaire, tandis que l'instance étatique à sa tête se présente comme promulgateur d'une société au contraire égale, implique une déstabilisation indirecte du pouvoir étatique et de sa légitimité. Ce n'est pas « politiquement correct ». B. Un fait social avéré 1. [...]
[...] On peut l'expliquer de plusieurs manières, tout d'abord, le manque d'équipements fiables, d'assurances, de routes bien entretenues. Mais il y a également la marginalisation, la désaffiliation et la précarité sociale auxquelles ils sont confrontés, qui les poussent à adopter des comportements qualifiables de « déviants » aux yeux de la puissance publique. Déchirés entre les schémas sociaux traditionnels, devenus obsolètes, de la classe ouvrière et la dynamique globale actuelle qui leur est inaccessible, ils sont d'autant plus marginalisés et se réfugient dans des comportements à risque (alcool, conduite dangereuse), comme preuve d'une virilité ouvrière passée. [...]
[...] Ceci, par opposition aux cadres et professions intellectuelles supérieures, pour lesquelles l'accident de la route revêt un caractère beaucoup plus aléatoire et marginal Le reflet des inégalités d'une classe sociale souffrante, désaffiliée Par conséquent, le fait social une fois constaté, il reflète également les inégalités auxquelles font face les jeunes hommes ouvriers des espaces ruraux ou précaires, par rapport aux autres catégories socio professionnelles. Ainsi, d'après Anne Catherine Wagner (Les classes sociales dans la mondialisation), ces jeunes hommes ouvriers sont marginalisés de la mécanique mondiale de globalisation, ne possédant pas les capitaux économiques, culturels et sociaux nécessaires. L'auteur parle alors d'une « dévaluation du capital d'autochtonie » (Michel Bozon, Jean Claude Chamboredon), paradoxalement cette partie de la population, souvent invisibilisée, se déplace moins, mais meurt plus souvent d'accidents de la route. [...]
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