Le texte étudié « El Ghorba : le mécanisme de reproduction de l'émigration » est paru dans la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales en mars 1975.
Cette revue a été fondée en 1975 par Pierre Bourdieu et l'article de A.Sayad est contenu dans le deuxième numéro de la revue.
Abdelmalek Sayad était un sociologue algérien né en 1933 et décédé en 1998 en France. Il a d'abord été instituteur et étudiait à l'université d'Alger où il a rencontré Pierre Bourdieu.
Il s'est installé en France en 1963, il travaillait alors au Centre de Sociologie Européenne et à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.
En 1977 il fut nommé directeur de recherche en sociologie au CNRS.
Il a principalement travaillé sur les questions de l'immigration et de l'émigration qu'il considérait comme indissociables.
Il a d'abord étudié pour une commande privée le problème de l'exode rural au Sénégal à partir de documents déjà existant. Il a également rédigé quelques articles sur l'immigration algérienne dans Options méditerranéennes.
Abdelmalek Sayad a ensuite publié Les trois âges de l'immigration dans lequel il présente l'évolution des contextes et des causes de l'émigration algérienne au cours de trois générations. Il considérait ce texte comme un travail programmatique indiquant ses principales interrogations et les recherches à faire sur ce sujet plus que comme un travail de terrain.
Il voyait dans ses travaux sur les populations algériennes immigrées en France un moyen de rester proche de ses origines et de ses premières études puisqu'il a pu suivre l'itinéraire de paysans algériens qu'il avait rencontré dans ses travaux de sociologie rurale, devenu ouvrier en France.
Son origine et son propre parcours lui ont permis de développer un point de vue particulier sur le phénomène de l'immigration. Selon lui dans les travaux classiques sur l'immigration, « l'immigration est un objet mutilé ». Le passé antérieur à l'immigration n'intéresse pas la science de l'immigration. Seul l'immigré entré dans la société dont il est l'immigré est pris en compte.
Ayant lui-même connu l'émigration, il a su prendre en considération dans ses recherches le fait que tout immigré dans une société est également un émigré dans une autre. Pour lui l'émigration et l'immigration ne sont que deux faces du même phénomène, il est nécessaire d'étudier les deux pour restaurer la totalité de l'objet.
Sa connaissance intime de la langue et de la tradition berbère lui donnait un avantage important pour étudier les phénomènes de l'émigration et de l'immigration, notamment pour effectuer des entretiens avec les personnes concernées, pour les analyser et les traduire.
Le texte « El Ghorba: le mécanisme de reproduction de l'émigration » est une traduction du discours d'un immigré kabyle recueilli en France à deux moments différents avant et après un congès en Kabylie. Ce texte se décompose en deux parties: d'une part, la retranscription de la traduction d'un entretien avec un jeune immigré algérien de 21 ans, Mohand; d'autre part, l'analyse de la situation et du thème de l'immigration et de l'émigration faite à partir de cet entretien par A. Sayad.
Nous avons travaillé sur trois parties distinctes: le contenu, la méthode utilisée et nous avons élargi notre étude à la thèse plus générale de Sayad.
[...] L'informateur utilise les deux langues pour relater sa trajectoire de vie, ses conditions de vie et son émigration. Il se base sur plusieurs registres de langage. Ce qui peut plus ou moins troubler le lecteur. Le registre de la tradition a une place importante dans son discours. De nombreux termes issus de sa tradition culturelle sont employés. On peut imaginer que le recours à ce traditionalisme est un moyen pour Mohand de se rattacher à ses racines, de ne pas oublier d'où il vient. [...]
[...] SAYAD parle d'un mensonge collectif et tacite qui est entretenu par tous les émigrés. SAYAD analyse le discours de Mohand, entre les propos négatifs donnés sur le village et les propos positifs donnés sur la France avant le départ. Pour SAYAD, les émigrés participent à deux univers: celui de leur pays d'origine et celui de leur pays d'immigration. Ils sont en permanence dans une comparaison entre les deux. Ils ne parviennent pas à vivre en complet accord avec ces deux parties. [...]
[...] Ils sont pris entre des cultures différentes et doivent être capables de les assimiler. On retrouve cette idée dans ce texte lorsque A. Sayad explique que Mohand utilise des expressions pour d'écrire ses expériences nouvelles qui relève du mode de la tradition comme thajarnat qui désigne la journée de travail salarié. Il a recours au système de pensé de son pays d'origine, celui qu'il a intégré dans son enfance, pour décrire sa vie en France. Sa vie quotidienne est donc faite d'aller-retour permanent entre les deux sociétés, les deux cultures. [...]
[...] Cette vision nous est rendue possible grâce à la retranscription de l'entretien que Sayad a eu avec Mohand. D'autre part, grâce à la thèse de Sayad concernant l'émigration et l'immigration, et le mécanisme de reproduction, développée dans l'entretien, nous avons pu élargir notre travail à sa thèse plus générale sur la double absence en nous appuyant sur l'un de ses ouvrages posthume, dans lequel sont regroupés la plupart de ses travaux sur ce sujet, La double absence, des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré. [...]
[...] Mohand décrit une situation de lassitude face à cette situation et a choisi de faire comme les autres et de devenir un fellah d'occasion (p.53). Il a décidé de travailler autrement, dans le seul but de gagner de l'argent et non plus pour obtenir un statut. La nécessité de partir Face à cette vie en Algérie qu'il décrit comme difficile du fait du manque d'argent, il décide de partir en France. C'est la France . ; il ne reste plus que cette solution (p.55). [...]
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