L'économie des biens symboliques, Pierre Bourdieu

Résumé du document

C'est dans Raisons pratiques: sur la théorie de l'action (1994) que Pierre Bourdieu systématise sa réflexion sur ce qu'il nomme les biens symboliques. Cette réflexion est centrale pour la compréhension de l'œuvre de Bourdieu puisqu'elle lui permet de développer ses concepts d' « habitus »et de « capital symbolique ».
Les développement suivants s'engagent sur l'exposition du paradigme général dans lequel s'inscrit la réflexion sur l'économie des biens symboliques: le paradigme du don (I). L'exposition se poursuit par une description des principales caractéristiques de l'économie des biens symboliques (II) avant de développer trois exemples précis de champ d'application (III).

Extraits

[...] L'économie des biens symboliques (Pierre Bourdieu) Référence : Pierre Bourdieu, Raisons pratiques : sur la théorie de l'action, Paris, Seuil p. 175-213 C'est dans Raisons pratiques : sur la théorie de l'action (1994) que Pierre Bourdieu systématise sa réflexion sur ce qu'il nomme les biens symboliques. Cette réflexion est centrale pour la compréhension de l'œuvre de Bourdieu puisqu'elle lui permet de développer ses concepts d' habitus de capital symbolique Les développements suivants s'engagent sur l'exposition du paradigme général dans lequel s'inscrit la réflexion sur l'économie des biens symboliques : le paradigme du don L'exposition se poursuit par une description des principales caractéristiques de l'économie des biens symboliques avant de développer trois exemples précis de champ d'application (III). [...]

[...] L'Eglise fait partie de ces instituions dont la vérité est de refuser l'explicitation de leur vérité. La vérité de l'entreprise religieuse est donc d'avoir deux vérités : une économique, une religieuse. En effet, dans l'entreprise religieuse, les rapports de production fonctionnent selon le modèle des relations familiales : traiter les uns comme des frères c'est mettre en entre parenthèses la dimension économique de la relation. Les institutions religieuses travaillent à la fois pratiquement et symboliquement à euphémiser les relations sociales y compris les relations d'exploitation (par exemple, l'exploitation est masquée quand les clercs voient leur travail comme un privilège) en les transfigurant en relations de parenté spirituelle ou d'échange religieux à travers la logique du bénévolat. [...]

[...] L'économie des biens symboliques repose sur l'hypocrisie structurale Ce travail d'euphémisation, Bourdieu la dénonce comme hypocrisie structurale qui transparaît par exemple dans la formule Noblesse oblige Ces euphémismes sont en fait une dénégation de l'économie qui s'accomplit dans un travail objectivement tourné vers la transfiguration des relations économiques et des relations d'exploitation. Ainsi, l'homme d'honneur ne peut faire aucune concession à la logique de l'économie économique : il ne dira pas tu me rendras avant les labours mais laisse l'échéance dans le vague. Les agents engagés dans une économie des échanges symboliques dépensent une part considérable de leur énergie dans l'élaboration de ces euphémismes. [...]

[...] La première caractéristique de l'économie des échanges symboliques est de mettre en jeu des pratiques qui ont toujours des vérités doubles. Il existe en effet une contradiction entre la vérité subjective et la réalité objective. Cette dualité est rendue possible et vivable par une sorte de self-deception collective, une méconnaissance collective dont le fondement est inscrit dans les structures objectives (par exemple, la logique de l'honneur qui commande tous les échanges) et les structures mentales, excluant la possibilité de penser et d'agit autrement. [...]

[...] Mauss décrit échange de dons comme suite discontinue d'actes généreux. Levi-Strauss quant à lui décrit l'échange de don comme une structure de réciprocité transcendante aux actes d'échanges, où le don renvoie au contre-don Bourdieu complète ce paradigme par une troisième dimension relative au rôle déterminant de l'intervalle temporel entre le don et le contre-don. En effet, dans toutes les sociétés, il est tacitement admis que l'on ne rend pas sur le champ ce qu'on a reçu, ce qui reviendrait à refuser. [...]