Pierre Bourdieu, dans La Distinction, s'attache « à démystifier l'illusion du « don » personnel et à démontrer combien les goûts sont fortement corrélés avec les grandes divisions de l'espace social. » Les régularités dans les pratiques culturelles que décrit Bourdieu impliquent des choix, et donc des préférences, qui selon l'auteur sont déterminées par les conditions de vie et par l'intérêt que les individus peuvent y trouver. Les pratiques culturelles ont donc un caractère classé (elles correspondent à des stratifications économiques) et classant (elles servent à se distinguer des autres classes sociales et de leurs pratiques).
Le questionnement central repose sur le lien entre position dans la hiérarchie sociale et « style de vie » : les pratiques culturelles sont-elles conditionnées par les conditions de vie ? Autrement dit : pourquoi goûts et pratiques culturelles ne sont-ils pas répartis socialement de façon aléatoire?
Après un survol des notions utilisées par l'auteur, nous détaillerons les corrélations que Bourdieu met en valeur, puis étudierons l'explication qu'il propose, explication fondée sur l'habitus et sur des mécanismes de distinction, enfin, nous aborderons de façon plus critique les explications de Bourdieu, sur la base d'articles de Jon Elster et de Michel Grossetti.
[...] En effet, l'habitus est la forme incorporée de la condition de classe et des conditionnements qu'elle impose (p.112). L'individu, qui incorpore l'habitus par la socialisation, agit en accord avec celui-ci, ce qui condamne les pratiques culturelles à reproduire le schéma de domination de la stratification sociale Liens de négation et d'imitation qui impriment la distinction. Les pratiques culturelles, manifestations de l'habitus, fonctionnent selon une logique de distinction, qui peut être résumée par la maxime : les goûts sont les dégoûts des goûts des autres. [...]
[...] Bourdieu pose également des distinctions conceptuelles (p.109-111). Il faut comprendre le mot culture au sens large sens de l'ethnologue et non au sens restreint et normatif (la culture). Le but est de se détacher des opinions et présupposés concernant les pratiques sociales, présupposés contenus dans la notion même de culture au sens normatif (une bonne et une mauvaise culture). On entend ainsi par pratiques culturelles non pas uniquement les pratiques ayant trait à la culture (au sens normatif) mais bien toutes les pratiques et représentations, quelle que soient leur place dans l'échelle des valeurs (culture populaire, culture des élites Le mot goût au sens normatif et presque figuré (faculté de discerner ce qui est esthétique) est assimilé au goût culinaire, goût comme capacité à reconnaître et à différencier des saveurs, impliquant ainsi des préférences parmi elles. [...]
[...] Dissonances culturelles et distinction de soi, EspacesTemps.net ( 11.11 .2004). Dictionnaire de la sociologie, Le Robert Seuil, entrée goût Pierre Ansart. Quelques définitions sont nécessaires pour entrer dans le monde du langage bourdieusien. La notion de capital tout d'abord doit être vue au sens large, comme l'ensemble des ressources et des pouvoirs effectivement utilisables par les individus, sur le plan économique (capital économique), culturel (capital culturel), des relations (capital social), ou bien sous l'angle du prestige (capital symbolique). L'habitus est le comportement caractéristique des individus d'un groupe social. [...]
[...] Les fractions de la classe dominante tel qu'ordonnées ci-dessus possèdent un volume de capital culturel décroissant (ce qui se voit par exemple aux lectures ou à la fréquentation des musées), et un volume croissant de capital économique ; cela décrit une structure en chiasme (cf. schéma). On peut ainsi opposer les professeurs, qui ont un capital culturel important sont visiteurs de galeries, et 21% passent plus de quinze heures par semaine à lire des livres non professionnels), aux patrons du commerce (dont 34% sont visiteurs de galeries, et 10% consacrent plus de quinze heures par semaine à la lecture de livres non professionnels). [...]
[...] Dans cette logique de distinction, les classes populaires sont le référent dont se démarquent les classes moyennes et dominante. Les classes populaires refusent la maîtrise de soi et le respect des règles bourgeoises, et peuvent ainsi être caractérisées par leur franc-parler et leur franc-manger Les classes moyennes, et en particulier la petite bourgeoisie, sont aussi bien dans une logique de distinction vis-à-vis des classes populaires que d'imitation des pratiques de la classe dominante. Ces liens de négation et d'imitation perpétuent les distinctions entre classes et fractions de classes et, étant le fruit des conditions de vie, reproduisent les inégalités entre ces classes. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture