L'article « La dépendance familiale des jeunes adultes en France. Traitement politique et enjeux normatifs » de Cécile Van De Velde est extrait de l'ouvrage Repenser la solidarité au XXIème siècle (dir. Serge Paugam, 2007). Dans ce texte, la sociologue soutient que la politique d'aide aux jeunes adultes en France est composite : elle favorise une forte familialisation tout en permettant une certaine indépendance résidentielle. Ce maintien de la solidarité familiale, qui s'explique selon elle par un marché de l'emploi précaire et l'enjeu très lourd des études, entre cependant en contradiction avec la norme française d'émancipation précoce. La question est ici de savoir comment en France l'aide aux jeunes se répartit entre famille et Etat, puis quelles sont les causes et les conséquences de cette répartition. L'approche adoptée par l'auteur est comparative : elle distingue et compare en effet 3 groupes : le modèle nordique (Scandinavie et Royaume-Uni, rôle prépondérant de l'Etat), le modèle méditerranéen (Italie, Espagne, rôle prépondérant de la famille) et le modèle français.
[...] L'intérêt de l'approche comparative en sociologie apparaît clairement dans ce texte. Elle permet tout d'abord de dessiner les contours du modèle social français en ce qui concerne le traitement des jeunes adultes. En effet, l'Etat Providence français est généralement qualifié d'hybride et les différentes typologies proposées en sociologie ne permettent pas vraiment de cerner ce modèle : entre Etat Providence institutionnalisé et résiduel, entre modèle bismarckien et beveridgien. Bien que l'auteur fasse à plusieurs reprise référence à la typologie d'Esping-Andersen, et notamment au modèle corporatiste, elle souligne que le traitement politique français des jeunes adultes est seulement d'inspiration corporatiste dans le sens où il privilégie la famille dans la régulation des dépendances sociales la catégorie corporatiste servant seulement d'idéal- type, de point de référence permettant d'affiner l'analyse et l'auteur renforce son approche en incluant un élément essentiel manquant à la typologie d'Esping-Andersen : la notion de familialisation Le modèle français échappant ainsi plus ou moins aux classifications établies, l'approche comparative de l'auteur est très utile pour en dégager les spécificités (par exemple en France l'âge médian de départ (23 ans) est proche de celui des Etats nordiques, mais la trajectoire sociale (marquée par le chômage) est plus proche de celle des pays méditerranéens), comprendre les différences structurelles entre Etats, saisir la variété des difficultés rencontrées et ainsi proposer des solutions adaptées. [...]
[...] Van De Velde propose des réformes réduisant la solidarité familiale : on pourrait cependant se demander quels seraient les dangers d'une diminution excessive de la dépendance familiale, avec un risque de disparition des formes de solidarité intergénérationnelles qui semblent déjà s'estomper progressivement notamment concernant les personnes âgées. [...]
[...] Un autre intérêt de l'approche comparative est qu'elle permet de prendre conscience du phénomène de construction sociale de la jeunesse, qui se fait par le biais de normes mais aussi par l'orientation des politiques d'aide. En effet, la jeunesse est une représentation qui varie d'une culture à l'autre : alors qu'en France elle est considérée comme une catégorie à insérer comme une période consacrée aux études et qu'il est vécu comme honteux de vivre tardivement chez ses parents, dans les pays scandinaves et au Royaume-Uni la jeunesse est perçue comme un moment d'aller-retour entre études/emploi et en Italie il est considéré comme normal qu'un jeune adulte vive chez ses parents même s'il approche de la trentaine. [...]
[...] De plus, alors que dans les pays nordiques les jeunes ont accès au revenu minimum dès 18 ans, en France ils ne bénéficient du RMI qu'à partir de 25 ans. La familialisation est donc induite pendant la période d'études et de recherche d'emploi. Cependant l'auteur précise ensuite que l'Etat se substitue en partie à la solidarité familiale, ce qui aboutit à un modèle français hybride. En effet, les frais de scolarité sont très peu élevés et une politique d'aide au logement en fonction des revenus individuels ainsi qu'une politique de logement social étudiant favorisent une décohabitation préalable à l'accès à un emploi stable. [...]
[...] Ces différents acteurs ont un rôle d' assureur social mais la répartition de cette solidarité entre les 3 instances varie selon les pays. Ici, C. Van De Velde choisit de repenser la solidarité à l'égard des jeunes adultes en se focalisant essentiellement sur le rôle de l'Etat et de la famille : l'enjeu du texte est d'étudier l'articulation entre solidarité publique et familiale dans le traitement de la dépendance des jeunes. Le travail de la sociologue consiste donc à analyser l'articulation française, à l'expliquer et à en révéler les faiblesses afin de proposer des pistes de réformes. [...]
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