François Dubet est sociologue, Professeur à l'université de Bordeaux II, Directeur d'Etudes à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales de Paris, chercheur au CADIS (Centre d'Analyse et d'Intervention Sociologiques, EHESS/CNRS). Il s'est illustré auparavant par maints travaux sur l'éducation, qu'il s'agisse des élèves du primaire, des collégiens ou des lycéens, ce qui est intéressant quand on sait que, concernant ce secteur, dans ce livre, il ne centre son étude que sur les enseignants (instituteurs et professeurs de collège). Dubet s'est également penché sur les jeunes en difficulté : de même, il s'agit du pôle se situant à l'autre bout de celui des professionnels qu'il analyse ici, ces jeunes étant le pendant des travailleurs sociaux . Il proclamait alors notamment le déclin, voire la disparition, de la bande de jeunes, ce qui a été contesté par la suite .
Dans cette œuvre, François Dubet étudie les professions visant à socialiser autrui et à le transformer, à travers trois secteurs du travail sur autrui dont l'institution, issue du modèle de l'Eglise traditionnelle, déclinerait aujourd'hui : l'éducation, à travers les instituteurs, les professeurs de collège et les médiateurs, le social, à travers les travailleurs sociaux, et la santé, avec les infirmières. L'auteur consacre également une partie aux formateurs d'adulte, en tentant de mettre en évidence en quoi cette profession s'avère relativement épargnée par ce déclin . Dubet présente d'emblée cette recherche comme le troisième volume d'une « théorie générale », dont le premier a été consacré à une « théorie de l'acteur » et dont le second a été consacré à une « théorie de la structure sociale » . Ce troisième volume, présenté comme une « théorie de la socialisation » a pour objectif de faire le lien entre « les deux types de problèmes » : il s'agit de relier le niveau micro (l'acteur) et le niveau macro (la société). Dubet se pose dans une démarche constructiviste, à l'intermédiaire, sur la plan théorique, entre le holisme et l'individualisme, à travers l'idée que l'acteur construit son expérience à partir de contraintes sociales . D'ailleurs, la croyance et la subjectivité de l'acteur nous semblent au centre de son hypothèse et de sa théorie, puisque le déclin du programme institutionnel est présenté comme parallèle à celui de sa sacralité et de sa magie. Mais, il analyse toujours la place de l'individu par rapport à un ensemble structurel macro lui permettant de prendre du recul. D'une part, son analyse retrace l'histoire de l'institution, puisque l'avènement de la modernité est vu comme l'axe de sa recherche. D'autre part, il élargit sa problématique à l'ensemble de la société, dépassant le simple cadre des institutions, posant le problème de la question de la démocratie, établissant un constat du déclin de l'idée même de société. Les références à Durkheim (notamment pour l'hypothèse selon laquelle le mode de socialisation de l'institution moderne est réalisé sur le modèle de l'Eglise) du pôle de la sociologie holiste, comme aux autres sociologues classiques situés dans le courant de la sociologie de l'acteur (Simmel, ou Weber pour la « vocation ») sont au centre de ses analyses.
[...] C'est le moment pour Dubet où les institutions déclinent. Pour Beck, il n'y a pas absence de socialisation, celle-ci s'effectue d'une autre manière, se réorganisant autour de l'individu. Ce qui nous semble intéressant est l'analogie qui peut être réalisée entre les deux œuvres au niveau des solutions évoquées. En effet, comme celle de Dubet, la solution de Beck est politique et passe par une réaffirmation de la démocratie et par une participation plus approfondie des individus. Il lance un appel aux initiatives citoyennes, persuadé que la décision politique doit aller du bas vers le haut. [...]
[...] D'une part, son analyse retrace l'histoire de l'institution, puisque l'avènement de la modernité est vu comme l'axe de sa recherche. D'autre part, il élargit sa problématique à l'ensemble de la société, dépassant le simple cadre des institutions, posant le problème de la question de la démocratie, établissant un constat du déclin de l'idée même de société. Les références à Durkheim (notamment pour l'hypothèse selon laquelle le mode de socialisation de l'institution moderne est réalisé sur le modèle de l'Eglise) du pôle de la sociologie holiste, comme aux autres sociologues classiques situés dans le courant de la sociologie de l'acteur (Simmel, ou Weber pour la vocation sont au centre de ses analyses. [...]
[...] Voici venir la partie qui nous intéresse le plus : quelles solutions envisage François Dubet devant ce déclin ? Il souligne trois impasses. Le retour à une autorité, comme la religion dans certains pays anglosaxons conservateurs, serait difficile en France, compte tenu de l'importance de ses principes révolutionnaires. Le libéralisme est tout aussi vain : une logique exclusive de marché et de services ne pourraient résoudre les problèmes sociaux, car la figure de l'usager comme consommateur suppose une socialisation acquise de sa part. [...]
[...] Chaque profession analysée est touchée à des degrés divers par ce déclin, connaissant ses soucis propres. Le travail social et l'enseignement secondaire apparaissent comme les professions les plus en crise, tandis que les instituteurs et les formateurs d'adulte sont présentés comme les plus proches du programme institutionnel (les seconds n'estimant pas connaître de crise), ayant le plus la capacité de rassembler ces trois pôles divers. Enfin, les médiateurs, souffrant de reconnaissance de métier, sont les plus éloignés de ce programme, n'estimant pas avoir d'existence ni d'identité professionnelles. [...]
[...] L'aspect sacré et magique du programme institutionnel, qui rassurait tant les professionnels comme les usagers, disparaît ainsi. François Dubet reprend le thème de la place de plus en plus importante prise par l'individu autour des phénomènes d'individualisation, de libéralisation et de particularisation croissants propres à la modernité et s'intensifiant depuis une quarantaine d'années. Il avance ainsi un certain nombre d'oppositions entre les périodes de pérennité du programme institutionnel et notre époque, qui serait caractérisée par son déclin : universalisme des institutions contre leur relativisme ; unité et cohérence des institutions et de leurs valeurs contre leur éclatement, leur contradiction et leur pluralité ; croyance en ces valeurs contre désenchantement du monde ; logique traditionnelle contre logique de marché et de service ; logique institutionnelle de sacralisation de l'autorité contre logique de l'organisation, de contrat, de négociation entre acteurs ; égalité imposée contre liberté obligée. [...]
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