Christian Morel a un parcours professionnel atypique, ce qui peut être relié à son thème de recherche, lui aussi excentré de la sociologie plus académique et instituée. Il a en effet eu un parcours de chercheur en sciences sociales, avec un doctorat de sciences politiques en 1974, puis l'écriture d'un ouvrage en 1980, "La grève froide, stratégies syndicales et pouvoir patronal". Il n'a cependant pas fait de carrière universitaire, s'engageant dans les ressources humaines de grandes entreprises. Son approche méthodologique est également quelque peu contestable, il utilise des cas de catastrophes plus ou moins importantes et connues pour en tirer des conclusions sur les comportements irrationnels des individus. Cela dit son travail a « vivement suscité l'intérêt de Raymond Boudon »… Son objectif est bien sûr plus de faire une sociologie appliquée, qui a vocation à éclairer les services de gestion du personnel des entreprises.
Le questionnement qui sous-tend l'ouvrage est simple : comment se fait-il que des professionnels expérimentés commettent des erreurs au départ sans conséquence, mais dont la non-rectification (ce qu'il appelle une « erreur radicale persistante ») conduit au final à une catastrophe lourde de conséquences.
[...] Une telle décision collective absurde trouve son explication dans le consensus. En effet, tous les copropriétaires n'étaient pas d'accord sur la nécessité de fermer les entrées de l'immeuble, ce qui au final s'est traduit par la fermeture d'une seule des deux entrées. La quatrième partie Le sens des décisions absurdes est une analyse téléologique, Morel cherchant le sens donné à l'action par les acteurs à leur prise de décision. L'auteur y distingue quatre processus de la perte de sens, mais aussi les moyens mis en oeuvre pour pallier cette perte de sens qui peuvent être à l'origine de décisions absurdes. [...]
[...] En réalité, ils ont commis une série d'erreurs successives. Ils ont cru à un feu du réacteur, ce qui les a conduits à prendre une décision précipitée, sans suivre les procédures en vigueur sur leur appareil, or le commandant de bord était nouvellement qualifié sur l'appareil. Après avoir coupé le réacteur en état de marche, ils ont réduit la puissance du réacteur avarié pour entamer une descente vers un terrain d'atterrissage. Dès lors, les vibrations du réacteur défectueux se sont réduites, ce que les pilotes ont interprété comme le signe de leur bonne action, ils pensaient avoir stoppé ce qu'ils pensaient être un incendie dans le moteur en parfait état. [...]
[...] L'erreur absurde se caractérise par sa contre-productivité (faire l'inverse de l'objectif fixé) et sa persistance dans le temps. Ces exemples ont aussi une fonction pédagogique, car ils sont très fréquemment utilisés par l'auteur dans tout l'ouvrage pour illustrer les processus cognitifs sous- tendant les décisions absurdes. Ces exemples sont assez divers, allant de l'accident aérien majeur, à l'erreur absurde de la vie quotidienne (on pourra douter du rapprochement qui est fait par l'auteur de ces deux types d'erreur), en passant par les erreurs ayant lieu dans le monde de l'entreprise (marketing, interactions entre salariés, etc.). [...]
[...] La troisième partie Les décisions absurdes sont une oeuvre collective propose une analyse de la décision absurde comme phénomène collectif. Nos organisations modernes, par l'aspect collectif qu'elles imposent (principalement du fait de la division du travail montré par Durkheim, 1893), seraient en partie, à la source de l'erreur radicale. Le processus collectif serait un élément de la prise de décision et ainsi, parfois, de la décision absurde. L'auteur distingue ainsi, entre autres, des rôles (candide, manager, et l'expert) et des actions (opposant, absent, suiveur, demandeur et producteur) dans le processus collectif de décision. [...]
[...] L'auteur conclut sur l'indispensable présence de ces trois processus (cognitif, collectif, et téléologique) dans l'explication des erreurs absurdes, même si ceux-ci, bien que présents simultanément, ne le sont pas tous dans la même mesure. Par exemple, une erreur absurde peut avoir une dominante collective, mais les aspects cognitifs et téléologiques seront tout de même là, mais de manière moins prononcée. Il note l'importance des erreurs de raisonnement (les biais cognitifs) dans l'explication des décisions absurdes. En effet, il semble évident d'invoquer les biais cognitifs devant des erreurs radicales et persistantes, ceux-ci sont un véritable piège mental des décisions, dont il est impossible de sortir une fois la première décision absurde prise. [...]
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