La modernité recouvre trois grandes caractéristiques étudiées dans le livre : la différenciation sociale, la rationalisation et la condition moderne.
La différenciation sociale constitue la première des grandes caractéristiques (ou « matrices ») de la modernité. La société progresse, « évoluant du simple au complexe, de l'homogène vers l'hétérogène ». Mais alors, comment maintenir la cohésion sociale ? Cette problématique engendrée par la différentiation sociale est étudiée par quatre auteurs : Emile Durkheim est le premier à signaler les risques de désintégration que présente la différenciation sociale ; Talcott Parsons affirme que l'intégration sociale est une exigence morale ; Pierre Bourdieu pose le problème de l'inadaptation des individus dans des sociétés hautement diversifiées ; enfin, pour Niklas Luhmann la différenciation sociale n'est plus le vecteur de l'intégration comme chez Durkheim : au contraire, elle devient porteuse de risques majeurs pour la modernité.
[...] L'école de Chicago socialise plus que Simmel la distance matricielle propre à la modernité, mais réduit sa portée sociale car elle ne serait que temporaire. La caractéristique de la modernité est la croissance des grandes villes. La vie urbaine favorise l'individuation. Les distances sociales sont maintenues malgré la proximité géographique. La grande ville est une réalité multiforme, faites d'une pluralité de régions morales. Par conséquent, les individus développent une vision relativiste et tolérante. Cependant, les relations entre personnes deviennent plus superficielles. Les conséquences de la modernité sont ambivalentes. [...]
[...] Il veut montrer le rapport entre la formation de l'Etat moderne et le développement de mœurs policées. La clé de voûte de ce processus de civilisation est le passage de normes sociales imposées à l'individu de l'extérieur à un rapport d'autocontrainte des individus. Ce processus exige la pacification de la société, qui passe par la monopolisation de la violence par l'Etat. Cependant, cela entraîne, avec le temps, l'extension d'une forme d'angoisse, liée à la peur de la rupture des barrières que la société impose à l'homme civilisé En effet, l'homme refoule ses émotions et ne peut plus satisfaire certaines pulsions : il est donc pris dans un combat intérieur entre ses désirs et son autocontrôle. [...]
[...] Il relève ce phénomène au sujet du développement de la bureaucratie. Cependant, la rationalisation a pour origine des croyances irrationnelles, le souci des protestants de savoir comment s'assurer le salut alors que, d'après leur doctrine, les hommes sont prédestinés. C'est pourquoi ils mettent en place un mode de vie fondé sur le calcul, le travail, l'ascèse (la richesse obtenue doit être réutilisée), censés justifier leur salut. De même, l'irrationnel continue de se manifester dans un monde rationalisé. Ainsi, la perte de sens du religieux entraîne une demande de succédanés, Dans le même sens, le développement de la rationalité en finalité n'entraîne pas pour autant la disparition de valeurs ultimes. [...]
[...] Les auteurs acceptent la fragmentation de la vie moderne et s'opposent à l'idée d'un ordre social harmonieux préétabli. Pour Georg Simmel, le sentiment d'étrangeté au monde exprime le propre de la situation métaphysique de l'homme, toujours soumis à une tension irrépressible entre l'élan de sa vie et les formes qu'elle prend Pour l'école de Chicago, cette distanciation homme-monde est plus une faille qu'un état immuable de l'existence humaine. En revanche, pour Erving Goffman, cette distance concerne tous les individus, indépendamment de leurs trajectoires et condition sociale. [...]
[...] Ainsi, le regard porté par les sciences humaines sur certains phénomènes sociaux aboutit à une application de leur discours en politique. L'extension du savoir propre aux sciences humaines est en lien avec la volonté de connaître toujours plus les individus et avec le pouvoir croissant des experts. Pouvoir et savoir sont indissociables, ils se nourrissent l'un l'autre. La modernité est le passage d'une société où la contrainte s'exerce par la violence à un régime de pouvoir et de vérité en apparence plus souple, fondé sur une capacité de regard et de jugement permanents , grâce à l'accumulation des savoirs opérant comme principes de justification Nous vivons donc sous surveillance. [...]
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