Richard Sennett, né en 1943, est un sociologue et historien américain, enseignant à la London School of Economics et à l'université de New York.
Il s'intéresse dans un premier temps à la vie ouvrière en milieu urbain, aborde des questions d'architecture et d'urbanisme, puis élargit son champ d'études aux conséquences psychologiques du capitalisme flexible. Pour ce faire, il se fonde essentiellement sur des « récits de vie », notamment de travailleurs condamnés à une mobilité qui les prive de la possibilité de nouer des liens durables.
La Culture du Nouveau Capitalisme est le fruit des « Castle Lectures in Ethics, Politics and Economics », données par Richard Sennett à l'Université de Yale en 2004. Le sociologue y dresse un portrait à charge de l'idéologie néolibérale, dénonçant ses effets délétères sur la cohésion sociale et mettant en garde contre une contamination des citoyens et des hommes politiques par les façons de penser et d'agir des entreprises « de l'arête tranchante » (finance, haute technologie). Il met également en évidence le rapport au temps des deux formes principales du système capitaliste, le capitalisme social militarisé et le capitalisme néolibéral flexible. Le premier, long-termiste, n'a pas su s'adapter aux bouleversements sociaux et politiques des années 1980 ; le second, court-termiste, court à sa perte faute de prendre en compte les conséquences à long terme de son action.
La plus-value de cet ouvrage réside dans l'axe « sociologique » de son auteur, qui souligne le caractère antihumain du salarié flexible idéal.
[...] L'effondrement du capitalisme social La chute du capitalisme social en tant que modèle social et économique, qui annonce peut-être sa disparition définitive en tant que réalité vécue par les travailleurs, s'explique à la fois par des raisons internes et externes Contradictions internes Le capitalisme social s'est d'abord effondré en raison de ses contradictions internes. Il est probable qu'un tel système ne pouvait durer face à l'évolution des demandes sociales. En premier lieu, l'entreprise fordiste se heurtait à des exigences croissantes en matière d'autonomie individuelle, émanant essentiellement de la jeunesse. Ces exigences ont fini par l'emporter sur les avantages apportés par le système, obligeant ce dernier à évoluer. Si l'ouvrier spécialisé constituait le travailleur emblématique de l'époque fordiste, les années 1970-1980 voient le triomphe du jeune cadre dynamique polyvalent et adaptable. [...]
[...] Le mouvement perpétuel caractérise les entreprises modernes, non seulement parce que les pressions de la concurrence et les exigences des actionnaires les obligent à améliorer sans cesse leur rendement, mais parce que dans le système de valeur de ces derniers, une entreprise qui ne se réforme pas ou ne fait pas mine de se réformer est une entreprise morte. Cette prédiction a bien sûr une valeur prédictive, puisque la perte de confiance dans une entreprise, quelle soit ou non fondée, entraîne sa ruine. Le salarié flexible idéal diffère du salarié de l'ère fordiste en de nombreux points. Il se caractérise ainsi par son adaptabilité et sa polyvalence, là où son prédécesseur fordiste se caractérisait par son statut de spécialiste Autrement dit, là où l'entreprise fordiste valorisait la compétence et l'expérience, l'entreprise flexible privilégie le potentiel. [...]
[...] Les jeunes, notamment, pointent alors du doigt la faible place accordée à l'individu dans la société capitaliste, dont ils dénoncent le bureaucratisme. Il est vrai qu'au règne du capitalisme social correspond une forme particulière d'organisation des entreprises, le fordisme, qui ignore superbement l'initiative individuelle et l'innovation. Le management fordiste vise à rationaliser au maximum la production, en divisant les tâches et en répartissant les compétences le long d'une ligne hiérarchique claire. L'organisation fordiste est une structure pyramidale, dont le sommet est occupé par les managers et les ingénieurs, le niveau intermédiaire par les techniciens et contremaîtres, et la base par les ouvriers spécialisés, qui travaillent le plus souvent à la chaîne et sont perçus comme de simples exécutants. [...]
[...] Le tournant néolibéral n'est donc pas gage d'efficacité économique. La diminution de l'emploi dans des fonctions intermédiaires ou support désormais informatisées, a entraîné une perte du savoir institutionnel des entreprises, qui reposait très largement sur le petit personnel En se privant de ses éléments anciens sous prétexte d'économies, l'entreprise flexible se prive de leur expérience, souvent précieuse. Le fonctionnement en mode projet qui s'est substitué à l'ancien fonctionnement pyramidal des entreprises de l'ère fordiste, n'est pas non plus toujours synonyme d'efficacité sur le plan économique. [...]
[...] Quel avenir pour le capitalisme ? Le triomphe du nouveau capitalisme ne constitue donc en rien un progrès social, mais bien une régression. Par ailleurs, le capitalisme flexible se heurte à des difficultés internes qui provoqueront tôt ou tard son effondrement et appellent d'ores et déjà à un nouveau projet économique et social, visant à plus de stabilité et d'humanité A. Le capitalisme flexible, un système voué à l'échec Le projet néolibéral s'accompagnait d'un discours idéologique reprenant les aspirations des contestataires des années 1960 en une société accordant davantage de place à l'individu. [...]
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