Lorsque Prométhée déroba le feu divin, le châtiment de cette transgression - il fut enchaîné à un rocher où chaque jour un aigle venait lui dévorer le foie - authentifia clairement les limites de la contestation que Zeus posait alors. Le principe même de transgression de l'ordre établi existe donc depuis la nuit des temps, s'exprimant au travers de crises protéiformes répétées. Néanmoins, il semblerait que le Prométhée moderne soit confronté à un désarroi sans précédent, puisque l'autorité nécessaire au respect de l'ordre social est aujourd'hui en proie à une décomposition chronique, laquelle prive alors notre Prométhée de tout châtiment : en disparaissant, le principe même d'autorité emporte avec lui enseignants, juges, policiers, prêtres et patrons - sans parler des responsables politiques - et efface ainsi les limites jadis posées par ces censeurs traditionnels.
Certains auteurs, tels que Hanna Arendt parleront de « crise de l'autorité », et d'autres, c'est là la tâche à laquelle s'est attelé Alain Renault, s'orienteront vers l'idée d'une « fin de l'autorité ». Dans cet essai philosophique paru en 2004, le Français Alain Renault, titulaire de la chaire de philosophie politique d'éthique à la Sorbonne, nous offre une réflexion sur l'évolution de l'autorité dans les sociétés démocratiques. C'est donc dans le prolongement de son domaine de prédilection - la philosophie morale et politique - qu'il tente de cerner les causes de cette déconstruction et d'en proposer des alternatives.
Il est vrai que cet ouvrage intervient dans un contexte social particulièrement agité, puisqu'aujourd'hui le manquement à la règle commune ne cesse de gagner du terrain, transgression de transgression. Ainsi, les parents sont souvent dépassés par les événements, les professeurs sont chahutés quand ils ne sont pas sauvagement agressés, les agents de police autre représentant de l'ordre largement méprisé. Le juge, autre figure de l'autorité, est jeté en pâture à l'opinion à l'occasion de l'affaire d'Outreau. Les politiques, mais encore les syndicalistes, les curés et même les médecins ont perdu leur légitimité.
Ainsi, à la lumière d'une histoire de la notion d'autorité, nous tenterons de cerner le problème suivant : quelles sont les causes d'une telle mutation de l'autorité, et comment la société actuelle tente-t-elle de s'y adapter ? Doit-on prédire une fin irréversible de l'autorité, ou peut-on espérer au contraire une refonte de celle-ci dans l'espace démocratique ?
[...] Le juge, autre figure de l'autorité, est jeté en pâture à l'opinion à l'occasion de l'affaire d'Outreau. Les politiques, mais encore les syndicalistes, les curés et même les médecins ont perdu leur légitimité. Les quatre derniers chapitres de l'ouvrage permettront d'ailleurs d'examiner l'incarnation de la relation d'autorité et de ses mutations contemporaines dans ces champs sociaux que sont la politique, l'école, la justice et la médecine. Néanmoins, on le verra, d'autres terrains méritent d'être étudiés, du moins évoqués, tels que l'entreprise, l'église ou encore les médias. [...]
[...] Mais qu'en est-il des médias, ce contre-pouvoir qui informe et critique en tenant la sphère politique, scientifique ou religieuse sous pression ? N'est-ce pas de ce côté qu'il faut se tourner désormais ? Car il nous semble indéniable que l'autorité médiatique tend à prendre aujourd'hui le pas sur d'autres formes d'autorité dans la vie de la cité. Néanmoins, pour le sociologue Dominique Wolton, ce quatrième pouvoir n'est qu'une illusion : l'autorité des médias n'existe pas en soi. C'est le public qui la légitime. [...]
[...] Selon lui, ces transformations liées aux grandes découvertes de la modernité auraient bouleversé notre relation à l'autre dans la cité, les institutions, le travail, l'entreprise, le couple, puis dans la famille et à l'école (p. 34). Il isolera d'ailleurs la dynamique propre à la relation éducative, présentant d'après lui une spécificité puisque la reconnaissance de l'autre comme égal y poserait le plus problème (nous aurons le loisir d'étudier cette question dans le développement prochain). Pour en revenir à l'esprit la Révolution, faisons un détour par Diderot et d'Alembert afin de comprendre en quoi le pacte divin unissant jusque-là les hommes aux titulaires temporels de l'autorité a été remplacé par un contrat des citoyens les unissant à leur propre mode d'administration : qu'importe que d'autres aient pensé de même ou autrement que nous, pourvus que nous pensions juste, selon les règles du bon sens et conformément à la vérité ? [...]
[...] l'aggiornamento de l'autorité : prix à payer pour les sociétés modernes ? Introduction Lorsque Prométhée déroba le feu divin, le châtiment de cette transgression il fut enchaîné à un rocher où chaque jour un aigle venait lui dévorer le foie authentifia clairement les limites de la contestation que Zeus posait alors. Le principe même de transgression de l'ordre établi existe donc depuis la nuit des temps, s'exprimant au travers de crises protéiformes répétées. Néanmoins, il semblerait que le Prométhée moderne soit confronté à un désarroi sans précédent, puisque l'autorité nécessaire au respect de l'ordre social est aujourd'hui en proie à une décomposition chronique, laquelle prive alors notre Prométhée de tout châtiment : en disparaissant, le principe même d'autorité emporte avec lui enseignants, juges, policiers, prêtres et patrons sans parler des responsables politiques et efface ainsi les limites jadis posées par ces censeurs traditionnels. [...]
[...] Ainsi, même si Alain Renaut reconnait de la religion a constitué la fondation la plus efficace et la plus durable (p. 72) de l'autorité, ces propos restent teintés d'un certain scepticisme quant à la possibilité de refonder ses assises sur la religion, qui est devenue désormais celle d'un peuple libre Afin d'étayer ce propos, nous nous proposons de porter attention à la réflexion percutante du psychiatre Charles Melman (in L'homme sans gravité, jouir à tout prix), qui pose la satisfaction immédiate du moindre désir comme substitut à la quête de la transcendance : nous sommes en passe d'abandonner une culture, liée à la religion ( . [...]
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