L'introduction de Lefebvre est assez théorique et à vrai dire assez compliquée à suivre. Après s'être lamenté sur le fait que la jeune science de l'urbanisme baigne dans un climat de positivisme sociologique qu'il trouve superficiel, il passe en revue les définitions que donnent différents philosophes du concept habiter (se loger, autrement dit détenir un certain espace pour organiser sa vie privée, individuelle et familiale). Il en conclut qu'il y a rupture sinon impasse entre la pensée théorique qui voit l'habitat par rapport à l'homme dans sa totalité et la science de l'urbanisme qui se veut opératoire et élabore des modèles partiels qui sont d'une application rapide au moindre coût. Pour lui cette étude sur l'habitat pavillonnaire ne résout pas cette impasse mais ouvre une voie de réflexion utile. Il commente surtout trois points importants dans cette réflexion.
[...] L'image du pavillon exprime un désir de protection et d'isolement, un besoin d'identification et d'affirmation de soi. Et c'est ici que le contraste total avec les grands ensembles apparaît. Dans le pavillon, d'une façon sans doute mesquine, l'homme moderne « habite en poète ». Son habiter est un peu son oeuvre. L'espace dont il dispose se prête aux aménagements alors que dans les grands ensembles ils sont difficiles sinon impossibles ou même interdits. Le pavillon permet l'appropriation par le groupe familial ce que ne permet pas le grand ensemble. Les habitants d'un pavillon peuvent donner un sens à leur habitat. (...)
[...] Cet attribut a son histoire et l'habitat a connu des transformations multiples selon et dans les différentes civilisations. Mais il ne s'agit pas d'isoler cette dimension pour s'arroger le droit de fixer à une société donnée les normes et les modalités de l'habiter. Il faut toujours voir l'homme dans son ensemble et lui laisser le droit de s'affirmer dans l'habiter avec tous ses attributs, c'est-à-dire comme homo faber ludens ridens amans Nous devons poser l'habiter comme une fonction inhérente à toute société, qui a travers les objets meubles et immeubles qu'il (l'habiter) produit signifie un ensemble spécifique de relations sociales. [...]
[...] C'est l'approche qu'a suivi l'équipe de l'Institut de Sociologie Urbaine qui a fait l'étude sur l'habitat pavillonnaire et qui apporte ainsi une contribution originale à l'épistémologie. Après cette digression méthodologique, l'auteur revient au champ de l'étude pour constater combien peu le pavillon a été peu étudié. On s'est, dans l'esprit du temps, seulement intéressé à son opposé qui sont les grands ensembles, en se limitant à constater le désordre des banlieues pavillonnaires et à railler l'esprit petit-bourgeois de ses habitants. [...]
[...] Pour comprendre l'habitat (comme d'ailleurs toute autre réalité sociale) il faut étudier les deux systèmes sans cependant les séparer, mais au contraire en traquant les correspondances et les divergences entre les deux. Ce qui complique encore les choses c'est qu'il y a plusieurs niveaux : l'habitat familial s'inscrit dans la cité, la cité dans la civilisation. Le travail d'analyse, c'est-à-dire l'extraction du système habitat du système social total, devient donc bien complexe. Ces réflexions amènent l'auteur à formuler une observation d'ordre méthodologique : le questionnaire si répandue chez les sociologues ne convient pas à une recherche du type mentionné dessus, même si le chercheur entoure son utilisation de mille précautions. [...]
[...] Le pavillonnaire naturalise constamment le culturel. - L'idéologie des pavillonnaires consiste à préférer le pavillon à toute autre forme d'habitat. C'est une idéologie : un ensemble de représentations qui explique et justifie un mode d'existence social. Elle comporte une conscience de la propriété et de propriétaire qui peut rentrer en conflit avec d'autres formes de conscience (et notamment avec la conscience de classes) dans le cas fort répandu où le propriétaire du pavillon est un prolétaire. Mais ce conflit reste la plupart du temps à l'état latent. [...]
[...] Ages et sexes détachent dans l'espace disponible la part qui leur appartient Ce niveau se subdivise en trois sous-niveaux : marquage, clôture et aménagement, qui correspondent à trois processus qui se font et se défont et à travers lesquels s'expriment l'ordre social (rapports entre hommes et femmes, jeunes et vieux C'est ces rapports dans l'appropriation des pavillons que les architectes et les urbanistes devraient essayer de comprendre pour être à même de mieux faire leur travail. - Le monde pavillonnaire comme utopie. [...]
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