La possibilité de protéger l'individu contre lui-même, son imprudence ou sa volonté fait débat : malades en fin de vie, SDF exposés au froid, « mères porteuses » ou nains cascadeurs en sont autant d'illustrations. Assez communément admise, elle heurte pourtant le principe même d'un droit à disposer de son corps. Entre autonomie de la personne et dignité de celle-ci, libéralisme juridique et paternalisme bienfaisant, protection du vulnérable et consentement de l'individu, le droit français peine à trouver un équilibre. Des voies de conciliation se profilent toutefois, qu'elles passent par l'appel à la dignité de la personne humaine et la volonté de prévention ou la fraternité et le souci de prévenance.
[...] Parmi un certain nombre d'encarts, celui vantant les mérites du réglage individuel de la climatisation a pu retenir l'attention des juristes. Cet équipement à l'utilité improbable était en effet placé par les publicitaires sous le patronage d'un texte vénérable, l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, lequel dispose : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. [...]
[...] Il ramène la définition de l'homme à un fait biologique : l'appartenance au genre humain. L'individu étant l'exemplaire particulier d'un genre commun, son identité réside dans son appartenance à l'humanité. Ceci lui impose une obligation, celle de respecter son appartenance. De là, la possibilité de lui interdire des comportements contraires à sa propre dignité. En conséquence, la définition de la dignité n'est plus synonyme de liberté mais d'obligation, celle de respecter la part d'humanité qui est en tout homme, y compris en soi. [...]
[...] L'interdiction, née au XXe siècle, se fonde sur la nécessaire solidarité sociale et part d'un constat inconcevable dans les présupposés libéraux et individualistes du Code napoléonien : la socialisation des rapports humains n'autorise pas toute forme d'indifférence à autrui (89). Ainsi compris, le principe de fraternité expliquerait que des limitations au droit de disposer de soi soient reconnues dès lors qu'il s'agit de protéger deux impératifs : d'une part, la vie humaine, d'autre part, l'égalité sociale. La protection de la vie, d'abord. Législateur et juges soulignent la valeur cardinale de la vie humaine. [...]
[...] Mais la permission de la loi a bel et bien pour effet de faire produire au consentement de la personne des effets juridiques. Ce même résultat peut être remarqué dans les différentes hypothèses où des atteintes à l'intégrité sans bénéfice thérapeutique sont admises dès lors que le patient y a consenti : chirurgie esthétique, circoncision, transsexualisme, certaines recherches biomédicales, prélèvement d'organes sur personnes vivantes en vue de greffe . les exemples abondent. Sous cette double impulsion, le droit pénal évolue et semble désormais conférer un caractère permissif au consentement de la victime. [...]
[...] Car, après tout, il est possible d'objecter que lancer de nain ou gestation pour autrui répondent bien à une finalité altruiste de nature à les légitimer : spectacle pour les uns, fertilité pour les autres . Si, à l'inverse, l'appréciation de l'atteinte à la dignité est laissée à la loi ou au juge, c'est prendre le risque de voir resurgir un certain nombre de préjugés moraux. Car, au nom de la dignité de la personne, on peut condamner sports de combats, paintball et piercing, cryogénisation des cadavres sado-masochisme ou prostitution avortement ou contraception (82). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture