En août 1988, Loïc Wacquant s'inscrit dans un club de boxe d'un quartier du ghetto noir de Chicago sans rien connaître à ce sport. Initialement décidé à réaliser par l'intermédiaire de la salle de boxe une observation des jeunes du ghetto, il décide finalement de réaliser une étude de la boxe, une fois considéré dans le club en tant que boxeur et non chercheur.
Seul Blanc du club, il est néanmoins accepté ce qui lui permet d'effectuer une collecte de déclarations spontanées de boxeur dans leur « habitat naturel ». Rompant avec tout discours moralisateur, « Busy Louie » va tenter de saisir « avec son corps » la logique sociale du pugilisme.
L'étude est composée de trois textes très disparates :
- une étude des rapports qui relient la rue au ring et de l'inculcation de la boxe, fondée sur un article rédigé au cours de l'observation ;
- la narration d'une journée de réunion de boxe depuis les préparatifs du matin au retour du match le soir ;
- un article décrivant toute la phase de préparation au premier match de l'auteur ainsi que le récit du dit match, ce texte, « toute sociologie en suspens » présente moins d'intérêt pour l'étude de la boxe.
Il est impératif d'étudier les rapports sociaux et symboliques à l'intérieur et autour de la salle d'entraînement. Institution complexe et polysémique, surchargée de fonctions et de représentations qui ne se livrent pas immédiatement à l'observateur, le gymnase est le lieu où le boxeur façonne son corps, perfectionne sa stratégie et sa technique et entretient sa croyance dans le bien-fondé des valeurs pugilistiques.
[...] Hypothèse : l'habitus pugilistique se fonde sur une double antinomie : la boxe semble située entre nature et culture mais requiert une gestion rationnelle du corps et du temps dont la transmission se fait en partique, sans théorie codifiée ; de plus, la boxe est un sport individuel dont l'apprentissage est collectif. Le boxeur est donc l'ouvrage de la raison pratique collective et individuelle (Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, 1950). Le boxeur réalise un dépassement en acte de l'antinomie entre l'individuel et le collectif. Un îlot d'ordre et de vertu Le gym se définit dans une double relation de symbiose et d'opposition au ghetto qui l'entoure. Ancien quartier blanc prospère, le nombre d'habitants a chuté de moitié en 30 ans et la population est devenue quasi-intégralement noire. [...]
[...] L'homme qui s'est soumis aux interdictions prescrites n'est pas après ce qu'il était avant. Avant, c'était un être du commun. [ ] Après, il s'est rapproché du sacré en cela seul qu'il s'est éloigné du profane ; il est épuré et sanctifié par cela seul qu'il s'est détaché des choses basses et triviales qui alourdissaient sa nature. (Emile Durkheim, Formes élémentaires de la vie religieuse). En se sacrifiant, le boxeur engendre un nouvel être à partir de l'ancien. [...]
[...] Ces ascètes fonctionnent à la manière de modèles pour les boxeurs. La conséquence de cette compression de la vie sociale est le renforcement de la relation de soi à soi, le sacrifice enclenche un constant travail du boxeur sur lui-même. Cette expansion de la relation du boxeur à lui-même entraîne pourtant une réduction de l'indépendance de l'individu par rapport à son univers professionnel. III Durant la phase d'entraînement intensif avant le match, le boxeur doit s'abstenir de toute action ou situation susceptible d'éveiller des émotions sexuelles. [...]
[...] "Corps et âme", Loïc Wacquant - les carnets ethnographiques d'un apprenti boxeur Corps et âme, Loïc Wacquant Carnets ethnographiques d'un apprenti boxeur Tout groupe de personnes prisonniers, primitifs, pilotes ou patients développe une vie à lui qui devient signifiante, raisonnable et normale dès lors qu'on s'en approche Erving Goffman, Asylum Difficultés subjectives. Danger de l'observation superficielle. Ne pas croire Ne pas croire qu'on sait parce qu'on a vu ; ne porter aucun jugement. Mettre des caleçons propres. Ne pas s'étonner. [...]
[...] Ce renforcement visuel et auditif permanent génère un état d'effervescence collective qui facilite l'assimilation des gestes et fait tomber les inhibitions. Un apprentissage visuel et mimétique L'enseignement de la boxe es tune entreprise collective : l'entraîneur est assisté par tous les membres du club. Outre les autres entraîneurs qui passent à la salle et les boxeurs professionnels aguerris, chaque membre du club passe à ceux au-dessous de lui dans la hérarchie objective et subjective du club le savoir qu'il a reçu. [...]
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