Bande dessinée, champ, manga, comics, Luc Boltanski, sociologie, fluide glacial, Tintin, Astérix
Dans cet article, Luc Boltanski analyse le processus de construction d'un champ spécifique de la bande dessinée. Il convient de rappeler ce qu'est la définition du champ tel que décrit par Pierre Bourdieu. Selon lui, notre société est constituée d'une multitude de champs (économique, politique, culturel...) plus ou moins autonomes les uns des autres, au sein desquels ont lieu des luttes pour la domination. Chaque champ a des enjeux qui lui sont spécifiques : l'artiste ne vise pas les mêmes objectifs que le chef d'un parti politique, par exemple. Boltanski s'interroge ainsi sur la constitution d'un champ de la bande dessinée, qui de cette manière rendrait ce domaine autonome des autres domaines, comme la littérature ou la peinture, dans lequel émergeraient des acteurs reconnus qui chercheraient à asseoir une domination symbolique sur la bande dessinée. Toutefois, cette étude est vieille de trente-cinq ans et la bande dessinée et la manière dont elle est perçue ont évolué depuis. C'est pour cela que le développement se fera en deux temps. Premièrement, nous analyserons les propos de Boltanski sur la constitution du champ de la bande dessinée avant, puisque la situation a beaucoup évolué depuis 1975, d'apporter un complément d'analyse en tenant compte d'éléments nouveaux : transformation de la manière de faire de la bande dessinée, évolution du public, apparition des comics et des mangas sur le marché des illustrés... Ces deux analyses combinées nous permettront enfin de tirer des conclusions sur l'état du champ de la bande dessinée aujourd'hui.
[...] La production conséquente de mangas au Japon entraîne d'ailleurs une sorte de concurrence entre des genres très différents les uns des autres, chacun réussissant à trouver son public : il n'y a ainsi que très peu de choses à voir entre un shonen (manga destiné à un public masculin, racontant généralement des histoires de mechas ou de guerriers surpuissants) et un shojo (visant un public féminin friand d'histoires d'amour entre adolescents, où la magie peut éventuellement prendre une grande place). Cela a conduit à la création d'acteurs propres au monde de la bande dessinée japonaise : à l'instar de DC Comics ou de Marvel, de grands groupes d'éditions se sont spécialisés dans le manga, l'autonomisant des maisons d'éditions classiques qui n'en auraient fait qu'une partie de leur marché et ne leur auraient peut-être pas permis une telle diffusion au Japon et dans le reste du monde. [...]
[...] Ces derniers sont de plus en plus nombreux à être scolarisés et surtout à suivre de longues études, retardant leur entrée dans la vie active. Cela permet aux adolescents non-issus des classes bourgeoises, et dont par conséquent l'habitus ne les incite pas à se tourner vers la littérature dite classique qui nécessite un capital culturel qu'ils ne possèdent pas, de s'orienter vers la bande dessinée qui ne nécessite alors aucun prérequis pour s'y intéresser et pour la comprendre. Elle fait alors sa première incursion dans le domaine de la culture savante, puisque cette jeunesse va appliquer les outils scolaires d'analyse (commentaires, interprétations des productions . [...]
[...] La constitution du champ de la bande dessinée : article de Luc Boltanski paru le 1er janvier 1975 dans le premier numéro de la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales (pp. 37-50) Article de Luc Boltanski paru le 1er janvier 1975 dans le premier numéro de la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales (pp. 37-50). Disponible en lecture libre sur Persée. Dans cet article, Luc Boltanski analyse le processus de construction d'un champ spécifique de la bande dessinée. [...]
[...] Or, dans ces deux pays, le champ de la bande dessinée est plus développé qu'en France ou en Belgique : la production est massive (les comics sont publiés en petits fascicules de manière hebdomadaire et les mangakas comptent parmi les auteurs de bandes dessinées les plus productifs) et il existe un marché de consommateurs capable de soutenir l'importance de cette production. Cela tient au fait que le statut d'art, ou du moins de domaine à part entière, de la bande dessinée n'est pas remis en cause dans ces deux pays. Si attaques contre la bande dessinée il y elles concernent plus la mauvaise influence qu'elles peuvent avoir sur les enfants, comme dans les années 1950 aux États-Unis2, que leur existence comme un pan entier de l'art actuel. L'explication à ce phénomène tient en plusieurs points. [...]
[...] La bande dessinée, voie de garage de l'art ou moyen de promotion sociale ? Contrairement à ce qu'on pourrait croire aujourd'hui, alors que la production et la consommation de bandes dessinées sont rentrées dans nos mœurs, ce genre de production reste dans les années 1960, et pendant plusieurs années, un sous-domaine, un refuge pour les artistes de seconde zone et les peintres, la plupart sont issus de classes supérieures, qui caressaient l'espoir d'embrasser une brillante carrière artistique, mais dont les talents ne se sont pas révélés à la hauteur : Il faut vous dire que moi, je suis un peintre raté - déclare Raymond Macherot dans une interview J'ai toujours peint depuis l'âge de 15 ans et c'est en peinture que j'aurais voulu réussir . [...]
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