Aujourd'hui, la dimension assimilationniste de l'Etat-nation français et les valeurs essentielles qui lui sont rattachées, universalisme et volonté de constituer une entité culturelle homogène notamment, sont remises en cause. Afin de mieux saisir les causes et les enjeux de cette crise, la confrontation avec un modèle d'intégration radicalement différent, à savoir le modèle anglais, apparaît particulièrement pertinent : comment, face à des problèmes similaires, les deux pays réagissent-ils? Quels sont les aspects de la politique britannique en matière d'immigration qui apportent de nouveaux éléments de réponse aux questionnements français sur les moyens à mettre en oeuvre pour résoudre cette crise de l'Etat-nation ?
Mais cette réflexion comparatiste n'est pas une simple mise en parallèle de deux modèles complémentaires, elle s'inscrit dans un véritable mouvement dialectique de la pensée : à partir de la situation française, C. Neveu se propose de découvrir un exemple britannique, puis de reporter son regard, transformé par cette expérience, sur la France. Il s'agit avant tout de saisir les différentes formes d'identification collectives susceptibles de fournir des représentations d'elles-mêmes aux populations immigrées des deux pays. Son hypothèse de départ est de définir la nationalité et la citoyenneté comme des référents essentiels dans les processus de différenciation à l'oeuvre dans nos sociétés : comment peuvent-elles fournir un cadre d'action concret aux individus? Comment s'articulent leurs relations avec l'individu et la collectivité? Pourquoi ces relations posent-elles problème aujourd'hui et en quoi sont-elles liées aux problèmes posés par l'immigration?
Pour comprendre ces relations, il paraît essentiel de saisir la logique interne des actions des individus, leurs motivations, leurs contradictions : or une approche purement théorique à partir d'analyse de données ne permet pas d'analyser cette logique individuelle. Seule la « science de l'intersubjectivité » permet de comprendre le point de vue de l'individu. L'étude anthropologique d'une population de migrants, basée sur la méthode de l'observation participante et des entretiens compréhensifs, s'est donc imposée à l'auteur. Seule une plongée concrète dans l'univers à étudier pouvait lui permettre d'accomplir son objectif : appréhender le rapport entre les migrants et leur pays d'accueil, en terme de nationalité et de citoyenneté, et surtout interroger le rôle de la société d'accueil dans le processus de construction d'une différenciation basée sur l'ethnicité, à travers l'analyse des discours des populations « autochtones », et de leur confrontation à la réalité. L'étude des interactions entre ces populations et les migrants étant essentielle, une enquête empirique s'imposait. Il s'agit ensuite de confronter systématiquement le travail de terrain aux hypothèses émises.
[...] Celui-ci est donc un support d'identification et de démarcation très fort, et cette revendication d'une spécificité locale dans le discours des enquêtés white repose sur deux éléments principaux : une généalogie familiale ancrée dans la quartier et une tradition d'accueil des étrangers. D'autre part, ce qui rendrait Spitafields différent des autres quartiers londoniens, ce serait son esprit de communauté la chaleur de ses rapports sociaux. Cette idée d'un village urbain s'appuie sur la vision négative qu'ont les enquêtés des autres quartiers, et plus particulièrement du quartier voisin de Bethnal Green, désigné comme l'anti-Spitafields. [...]
[...] Pourquoi ces relations posent-elles problème aujourd'hui et en quoi sont-elles liées aux problèmes posés par l'immigration? Pour comprendre ces relations, il paraît essentiel de saisir la logique interne des actions des individus, leurs motivations, leurs contradictions : or une approche purement théorique à partir d'analyse de données ne permet pas d'analyser cette logique individuelle. Seule la science de l'intersubjectivité permet de comprendre le point de vue de l'individu. L'étude anthropologique d'une population de migrants, basée sur la méthode de l'observation participante et des entretiens compréhensifs, s'est donc imposée à l'auteur. [...]
[...] Ceci témoigne bien d'une vision très raciale de la nationalité, tendance renforcée aujourd'hui par la montée du nationalisme en Grande-Bretagne. Cette thématique d'une nationalité raciale est aujourd'hui fortement ancré dans le discours politique britannique, et ce depuis le swamping discourse de Margaret Thatcher en 1978, dans lequel elle mettait en opposition un caractère britannique supérieur et les menaces que feraient peser sur lui une culture différente Dés lors, la stratégie en terme d' identité bangladeshie apparaît largement influencée par le contexte anglais : une telle stratégie, reposant sur l'affirmation d'un caractère ethnique, s'est en effet révélée la plus efficace dans les négociations engagée avec les institutions, pour légitimer les demandes faites au nom de la communauté C'est bien parce que la Grande-Bretagne présente la race et l'ethnicité comme critères d'identification principaux pour l'individu que cette stratégie s'est mise en place. [...]
[...] L'anthropologue serait en fait trop extérieure à la réalité vécue par les Bangladeshis de Londres pour qu'un réflexe hostile de protection se déploie. Surtout, s'agissant ici de saisir les processus d'identification de soi et des autres mises en oeuvre par les différentes populations en interaction, à savoir principalement les Bangladeshis et les Whites, l'étude simultanée de ces deux groupes s'imposait. Par ailleurs, l'auteur s'aperçoit rapidement qu'une troisième population tient une grande place dans la mémoire collective, et qu'il convient donc d'élargir le domaine d'étude à ce troisième groupe : la population juive. [...]
[...] La communauté imaginée des Bangladeshis apparaît de plus loin d'être unie, des dissensions existant par exemple entre religieux et non religieux sur l'attitude à adopter face aux politiques publiques. A cet égard, l'expérience française de femmes bangladeshies est très significative. En effet C. Neveu, désireuse de confronter les points de vue des immigrés en France et en Grande-Bretagne, a participé à un voyage de femmes bangladeshies en France, et à leur rencontre avec des associations de quartiers immigrés Or ce qui apparaît clairement, c'est que le groupe constitué par ces associations n'est pas du tout homogène : on y retrouve des Espagnoles, des Maghrébines, des Africaines, mais aussi et surtout des Françaises autochtones Un tel mélange communautaire est très rare en Grande-Bretagne et plus particulièrement à Spitafields, et l'étonnement des femmes bengalies devant la participation des femmes autochtones aux activités des femmes immigrées est une preuve supplémentaire que le cloisonnement des groupes à Spitafields, qui n'était pas au départ quelque chose de naturel, a été naturalisé au point d'être considéré désormais comme allant de soi. [...]
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