David Lepoutre est un ethnographe qui pour saisir les contours de la culture des rues, est allé vivre au coeur de la cité des quatre mille à la Courneuve. Loin des stéréotypes véhiculés dans les médias, David Lepoutre nous offre une autre image des jeunes de banlieue et nous démontre que la culture des rues n'est pas que du bruit et de la violence mais a ses codes, ses rites et son langage. Observateur privilégié de ces jeunes en tant qu'habitant de la cité et professeur dans un des collèges du quartier, David Lepoutre a pu suivre une génération sur trois ans et mieux comprendre ces jeunes.
[...] Celui qui maîtrise le mieux le langage des rues sera autant respecté que le plus habile à mettre des coups. Jamel Debbouze par exemple expliquait dans une interview que dans la cité tu existais soit par la force soit par la tchatche. Du point de vue symbolique, la parole peut être utilisée comme une arme visant à dévaloriser l'autre en le rabaissant. Dans ce cas, les insultes sont généralement destinées à des personnes extérieures au groupe de pairs. La frontière entre une vanne et une insulte est parfois difficile à cerner pour les non initiés : tout dépend du ton utilisé, de la manière de dire, des mimiques et surtout des relations entretenues avec la victime, ce qui explique certaines incompréhensions entre enseignants et élèves dans les collèges de banlieue, où de simples paroles pour ces jeunes peuvent être interprétées comme des insultes. [...]
[...] Le rapport à l'obscénité trouve son sens dans l'opposition à la culture dominante et au plaisir de transgresser l'interdit et le tabou de la parole. Enfin, en ce qui concerne la diction, pour se faire entendre le locuteur doit parler fort et vite ; celui qui est hésitant et parle lentement se confronte immédiatement à la moquerie de ses pairs. Malgré tout, les enfants qui ont de vrais troubles de locution comme le bégaiement par exemple sont écoutés et respectés. [...]
[...] La conscience du groupe s'exprime de manière très claire dans un NOUS se rapportant généralement aux grands ensembles. Les jeunes se définissent ainsi : nous les mecs des Quatre Mille nous à la cité ; par exemple, lors d'un voyage en Espagne, quand on demande aux enfants d'où ils viennent ils répondent spontanément des Quatre Mille. Le groupe se construit au travers de différentes activités sportives, comme le football ou le basket, ludiques comme lancer des pétards et aussi délinquantes comme le vol à l'étalage et bien sûr les bagarres avec les cités voisines. [...]
[...] Tout d'abord, il y a les rixes, des combats qui éclatent spontanément à la suite d'une querelle entre deux personnes. Le lieu est choisi selon une double contrainte : il doit être visible des pairs mais à l'abri des regards des représentants de l'institution (professeurs, police Les jeunes qui provoquent une bagarre au collège dans la cour de récréation sont considérés comme des bouffons car ils savent que le combat va vite être interrompues par un surveillant ou un professeur. [...]
[...] Le langage des rues Le langage des rues se construit dans une opposition au langage scolaire et peut s'étudier selon trois points de vue sociologiques : -le point de vue individuel -le point de vue relationnel -le point de vue symbolique Du point de vue individuel, c'est la performance verbale qui est recherchée. Le langage des rues s'appuie sur l'emploi du verlan, un goût pour l'obscénité et une diction particulière. Le verlan a une fonction ludique (jeu sur les mots) initiatique (c'est une langue du secret, l'utilisation du verlan est plus poussée en situation défensive, comme quand ils ont à faire avec la police) et identitaire (c'est une langue qui leur est propre). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture